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(Avant-propos)
Les archives que l’on est parvenu à récupérer (Beaumarchais a rendu les siennes…) sont entreposées, grâce à vingt-cinq hommes et dix voitures, au couvent de Saint-Louis-la-Culture, où par décret du 2 novembre 1791 elles sont placées sous la responsabilité de la ville. Un fonctionnaire zélé, Armeilhon, bibliothécaire et historiographe de Paris, en prend un soin tout particulier. En 1797, lorsqu’il est nommé conservateur à la Bibliothèque de l’Arsenal, il obtient l’autorisation de les emporter. Malheureusement, la perspective d’inventorier ces quelque six cent mille pièces effraie ses nouveaux collègues. Ceux-ci préfèrent les entasser dans un entresol poussiéreux, où le temps et l’oubli les ensevelirent.
Quarante ans plus tard, un jeune conservateur, François Ravaisson-Mollien, qui disposait à l’Arsenal d’un logement de fonction, se préoccupe de faire des réparations dans sa cuisine vétuste. Soulevant du sol un carreau, puis deux, il a la surprise d’apercevoir par ce trou un amoncellement de feuilles jaunies. D’une liasse, il tire une lettre de cachet, une autre, puis une autre encore… Il comprend qu’il vient de mettre au jour le précieux dépôt que l’on croyait à jamais disparu.
Telle fut l’odyssée des papiers de la Bastille. Travailleur infatigable, Ravaisson mit des décennies à classer ces archives inestimables qui se trouvent aujourd’hui encore à la Bibliothèque de l’Arsenal, annexe de la Bibliothèque nationale de France. Il en publia la majeure partie de 1866 à 1904 dans les dix-neuf volumes des Archives de la Bastille (les trois derniers seront achevés après sa mort par son neveu Louis)1. Son successeur Frantz Funck-Brentano réalisa le catalogue de ce fonds particulièrement riche en 1892 et établit en 1903 une minutieuse étude sur Les Lettres de cachet à Paris, suivie d’une liste des prisonniers de la Bastille (1659-1789)2. Il arrivait à un total de 5 279 prisonniers. Sa liste était loin d’être exhaustive, comme le prouvent les correspondances et les mémoires du temps qui en signalent d’autres. Beaucoup de détenus qui n’étaient restés que quelques jours, voire quelques heures, avaient passé à travers les mailles de son filet. Bref, si l’on ajoute peut-être 800 détenus du XIVe siècle à 1659, on peut estimer à au moins 6 500 les personnes enfermées à la Bastille, ce qui fait d’elle, hormis la Conciergerie et le Grand Châtelet, la première prison de France par le nombre de ses occupants successifs.
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