Extraits

Hudzik était maréchal-ferrant. Autrefois, son métier avait fait de lui l’un des hommes les plus riches de Borbin. Il voyageait alors de ville en ville, aussi loin que Rovno et Lutsk, transportant sur sa charrette enclume, soufflet de forge, marteau et pinces diverses. Mais la profession de maréchal-ferrant ne se résumait pas à poser des fers à longueur de journée, il fallait en outre savoir écouter. Les gens confient volontiers à un homme qui ne vient qu’une fois par mois des choses qu’ils garderaient pour eux s’ils le voyaient quotidiennement. Patiemment, Hudzik écoutait leurs craintes, leurs espoirs et leurs déceptions. Leurs histoires d’amants, de maîtresses. Leurs mensonges et leurs trahisons. Aucun détail n’était jugé trop insignifiant pour être confié au maréchal-ferrant. Hudzik endurait en silence ces racontars de vaniteux s’apitoyant sur leur sort, et c’est ainsi qu’il avait appris qu’une part non négligeable des richesses de Misovichi était déposée, étincelante, sur les mâchoires de ses habitants.