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"Vêtue d’une robe, elle se confond avec la femme qu’elle revendique et personne n’a jamais réussi à percer son secret. Même au sein de la meilleure société, elle donne un change éblouissant. Mais c’est habillée ainsi, lorsqu’un pantalon serré et une chemise aux premiers boutons ouverts sur sa poitrine glabre trahissent sa relation à un sexe qu’elle rejette, que se pose la véritable ambiguïté de ce qu’elle est. "
Afficher en entier"Je pris soudain conscience de la souffrance qu’elle dissimulait. Au quotidien, elle maquillait admirablement bien la force de son attachement, s’adaptant au jeu de l’amitié que je lui imposais. Mais qu’en était-il réellement dans le silence de la solitude qu’elle s’infligeait à présent ? Et tout à coup, j’eus honte. De ma faiblesse à l’égard de ma famille et des convenances, de l’hypocrisie de mon attitude qui m’interdisait de comprendre ce que je ressentais véritablement pour elle, de ma couardise à admettre que l’amour peut prendre de multiples visages. À sa manière, Chumani était mille fois plus droite et plus courageuse que moi."
Afficher en entier— Là ! statua-t-elle en se blottissant contre moi. Comme ça, je n’aurai plus à me demander si tu trembles à cause de mes caresses ou parce que tu as froid.
— Serais-tu jalouse de la nuit ?
— En ce moment, je crois que oui.
Afficher en entier— J’ai cru qu’il était mort, lui retournai-je avec un certain ressentiment.
— Tout dépend du sens que l’on donne à ce mot, me répondit-il sans s’émouvoir. Et toi, non seulement tu as la vue courte, mais en plus elle est mauvaise. Là où on ne te parle que d’un seul enfant, tu t’obstines à en voir deux.
Afficher en entier— Je t’ai parlé des signes qui sont apparus lors de la naissance de Mahpee. Il a reçu un don extraordinaire, mais je savais que ce don ne se manifesterait pas avant qu’il ne devienne ce qu’elle est réellement. Le rite de passage à l’âge adulte a révélé Chumani. Son rêve était fort. Il n’y avait pas d’erreur possible.
Hochant la tête d’un air entendu, je commentai pour montrer que je le suivais :
— C’était donc ça, le choix difficile pour lequel le Grand Esprit vous demandait de guider Mahpee ?
— Non, ça, c’est une évidence, m’instruisit-il d’un air tranquille.
Derrière son air impassible, je décelai une légère moquerie.
— Et ça n’a rien eu de difficile, poursuivit-il en s’amusant de mon ignorance. Ni pour elle ni pour moi. Ce jour-là, elle n’a fait que devenir ce qu’elle est réellement.
Afficher en entier— Alors pourquoi prends-tu ton cheval pour partir loin de la ferme dès que j’arrive ? Tu fuis comme le soleil se cache derrière les nuages quand la pluie s’annonce. Non parce qu’il craint de l’assécher, mais car il sait qu’ils sont trop différents pour s’unir.
Elle avait l’art des métaphores allusives ce jour-là et j’en vins à douter de l’ingénuité de celle-ci. Derrière la spontanéité de son attitude ordinaire, se heurtait-elle au même dilemme que moi ? Emporté par le désir de la percer à jour, mais également celui de la consoler, j’osai m’aventurer dans son jeu en retournant son discours contre elle.
— Ensemble, le soleil et la pluie donnent pourtant naissance à des arcs-en-ciel merveilleux, répliquai-je sans lâcher son regard. Cela n’explique toutefois pas pourquoi tu te mets en danger pour m’apercevoir lorsque tu rentres chez toi.
— Parce que j’aime les arcs-en-ciel, me retourna-t-elle dans un souffle.
Afficher en entierC’est ainsi que Chumani entra véritablement dans notre vie, et transforma celle de ma petite sœur. Comme je le pressentais, Zelda la reçut avec une grande générosité. Lorsque Sillas l’aperçut pour la première fois, il se contenta de rabattre son chapeau de cow-boy sur son visage, signalant ainsi que notre arrangement ne le concernait pas. Souvent, Chumani emmenait Irina avec elle à travers la prairie, à la recherche de plantes dont elle se servait pour guérir. Parfois, elle se contentait de s’asseoir auprès d’elle à l’extérieur de la maison, pour lui montrer comment tisser des perles qu’elle avait apportées ou les coudre sur du tissu.
Il arrivait aussi qu’Ogaleeska la suivît. L’adolescent à la figure poupine était incontestablement attardé, mais il semblait comprendre tout ce qu’elle lui disait, et il ne rechignait jamais à effectuer ce qu’elle lui demandait. Avec Irina, ils formaient un trio étrange. Il s’instaurait entre ces trois-là un langage qui passait au-delà de la communication ordinaire, et je me sentais parfois jaloux de leur entente et de leur joie lorsqu’ils se retrouvaient.
Irina parlait toujours aussi peu, mais elle souriait beaucoup plus souvent, et elle n’avait plus ces moments d’absence remplis d’une tristesse insondable. Je la voyais avec plaisir participer aux travaux de la ferme en nous lançant des regards pleinement conscients et parfois taquins. Elle semblait non seulement rassérénée, mais heureuse de vivre. Ma grand-mère retrouvait une nouvelle jeunesse à tromper mon oncle Jarvis, qui continuait de venir dîner chez nous en ne se doutant de rien. Et moi, je commençais à éculer tous les prétextes possibles pour rester à la ferme les journées où Chumani nous rejoignait.
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