Extraits

Autant dire que je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Les images imprimées sur ma rétine revenaient sans cesse me hanter. Ces avions pénétrant dans les tours jumelles tel un couteau à beurre dans une motte ramollie… Ces personnes sautant par les fenêtres pour échapper au brasier dans l’espoir fou qu’une intervention céleste ou pour le moins providentielle viendrait les sauver... ou simplement pour choisir une mort plus rapide ?

Quelques enfants passent à côté de moi et me regardent intrigués. Ils s’arrêtent un peu plus loin pour m’observer. Un peu de vent soulève la poussière du sol. J’ai de la chance, il ne pleut pas. Il y a pourtant beaucoup de gros nuages. S’il pleut, j’irai dans l’église. Il ne peut rien m’arriver dans une église. Il se fait tard. La nuit va bientôt tomber. Je suis assise sur ce banc et j’attends. Que faire d’autre ? Je ne connais pas ce village. Ni les personnes que j’aperçois au loin. Deux dames parlent en regardant dans ma direction. L’une d’elle hoche la tête comme pour dire « oui » à l’autre. Un homme s’approche de moi. Il est très sale avec un grand manteau. Il sent mauvais en plus. Pire que moi.

Les lacets de mes chaussures sont défaits. Ils ont dû se dénouer dans la forêt. J’ai couru. Pendant longtemps. J’ai trouvé ce banc sur la place d’un village et je me suis assise. Là ou ailleurs, quelle importance ? J’étais contente de pouvoir m’asseoir et me reposer un peu. Mes chaussettes sont pleines de terre. Je suis tombée plusieurs fois dans les bois. J’ai les jambes et les bras tout griffés. Je crois même que j’ai fait une grosse chute, dans un trou. Je me suis réveillée frigorifiée au fond d’un… oui c’est ça, un grand trou, pas très profond et assez large. Je sens que ma tête et mon corps sont sales. Je ne sens pas bon et ça me démange.