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Certaines journées sont propices au crime, question de météo. On dit que la pluie éloigne les cambrioleurs mais accompagne souvent les assassins. Le jour de la disparition d’Adèle, le soleil tapait si fort sur les graviers blancs du jardin des Tuileries que personne n’osait en remuer la poussière. Les gens fuyaient les terrasses des cafés et se terraient dans les supermarchés, les cinémas, peu importe pourvu que la clim ne soit pas hors service. Quelques jours plus tard, un gros orage éclata, et quelques jours après cela – de grandes flaques argentées s’étaient formées entre les parterres du jardin des Tuileries – l’équipe de France de foot gagnait contre l’Albanie. Dans les bars, les squares, mais aussi les fontaines – des garçons et des filles s’y baignaient tout habillés – des jeunes gens fêtaient la victoire.
La photo d’une adolescente circulait alors sur les vitrines des boulangeries et les réverbères. « Disparition inquiétante de mineure. Adèle, 1,73 m. Yeux marron. Cheveux blond foncé. Grain de beauté sur la joue droite. A été aperçue pour la dernière fois boulevard Jean-Jaurès, à Clichy. Elle portait un T-shirt noir, un pantalon noir et des baskets noires. »
La fille ne regardait pas l’objectif, d’ailleurs elle ne regardait rien, à part peut-être une pensée, un regret, un projet ? à l’intérieur d’elle-même. Elle ne souriait pas. Elle était tout simplement absente. En quelques jours, des milliers de personnes – lentes ou rapides, pressées par une urgence, un bus à attraper, ou bien l’âme flâneuse, flirteuse, certaines traînant une valise, d’autres un caddie ou un enfant en guettant le feu pour traverser la rue – bref, une foule innombrable de gens croisa ce visage. Et tous se dirent qu’elle avait l’air de poser pour son propre avis de recherche.
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