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La première fois que j’ai lu un article sur le syndrome d’Asperger, j’ai pleuré pendant deux heures, abattue : tous ces efforts, cette lutte permanente contre moi-même, mes années passées à étudier les gens autour de moi et à les imiter, à essayer de comprendre leur langage, tout cela avait donc été vain ? Je serai comme cela pour toujours ? Je lis sur des forums des témoignages qui me brisent le cœur, des personnes qui découvrent être Asperger passé la cinquantaine et qui ont souffert toute leur vie. Je refuse que cela m’arrive, je souffre déjà trop. Je me doute bien que je suis en train de plonger dans la dépression : je dors beaucoup trop, suis fatiguée. Mes passions habituelles – dont mon sujet de master à la fac – me laissent froide, et j’éprouve toujours cette douleur atroce en moi, comme une ombre qui me rongerait et m’écraserait en permanence. Je comprends à présent que des personnes préfèrent mettre fin à leurs jours plutôt que d’endurer cette souffrance une minute de plus. Je sais aussi que je risque l’internement si je formule cette pensée à voix haute face à un psy. Je ne connais rien du monde psychiatrique, mais j’y vois un danger, un enfermement de force possible, et j’écoute cette petite voix en moi qui me dit de fuir les « soignants » comme la peste.
Puisque je ne peux pas changer qui je suis, il me faut changer mon quotidien. Je dois fuir cette vie assommante, fuir ces gens qui ne me comprennent pas, partir loin.
Afficher en entierOn dit souvent que l'autisme est un handicap "invisible" ; il l'est car, depuis notre enfance, nous nous efforçons de nous fondre dans la masse, mais il y a toujours des moments maudits où notre différence devient visible, agaçante et motif d'exclusion - mais pour de mauvaises raisons. En de telles occasions où j'étais poussée à bout, je me sentais vulnérable et exposée, ne pouvant m'empêcher de redouter les répercussions de cette visibilité soudaine.
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