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Extrait ajouté par lamiss59283 2012-02-23T15:36:19+01:00

Prologue

Au soir du 29 juin 1670, Henriette d'Angleterre, belle-sœur de Louis XIV, meurt subitement en quelques heures. Malgré une fatigue persistante depuis plusieurs jours et des douleurs au ventre, rien ne laissait présager une fin si rapide. Certes, la jeune femme frêle, âgée de vingt-six printemps, est rentrée très éprouvée d'un voyage à Douvres. Elle y a rencontré son frère, le roi Charles II d'Angleterre, qu'elle n'avait pas revu depuis de longues années. Ces retrouvailles familiales avaient un but politique. Le roi de France lui a personnellement demandé d'effectuer le déplacement afin de négocier un traité d'entente entre les deux nations, dirigé contre la Hollande. Depuis son retour, son époux s'obstine à la contrarier. Alors que le roi l'accueille triomphalement comme l'artisan d'un traité inespéré, Monsieur, Philippe d'Orléans, boude, jaloux du succès de sa femme. Il trouve qu'on lui fait la part trop belle. Il est surtout furieux de la récente disgrâce et de l'exil de son favori, le chevalier de Lorraine, que, pour de sombres raisons, il impute à Henriette.

Le 24 juin, il refuse de suivre la Cour, qui s'installe pour l'été à Versailles, préférant demeurer dans son château de Saint-Cloud. D'une humeur maussade, il prend plaisir à effrayer son épouse par des menaces, certes vagues, mais réitérées. Henriette commence alors à se plaindre de douleurs à l'estomac et au côté. Tout va très vite. Le 26 juin, le couple princier passe la journée à Versailles sans faire illusion. Tous sont frappés par les traits tirés de la jeune femme, par ses yeux cernés et son teint cadavérique. Le jour. suivant lui apporte un répit, mais le surlendemain, 28 juin, les douleurs ne la lâchent plus. Heureusement, sa meilleure amie, Mme de La Fayette, arrive auprès d'elle pour la réconforter. C'est à elle que l'on doit le récit pathétique de ses derniers instants. Henriette passe la journée du dimanche avec elle sans cesser de se plaindre. Sa fatigue est telle qu'elle est contrainte de s'allonger pour deviser avec son amie et finalement s'endort. Elle n'a plus que quelques heures à vivre. À son réveil, en fin d'après-midi, elle demande un verre d'eau de chicorée que lui apporte la marquise de Gamaches. C'est sa dame d'atour, Mme de Gourdon, qui le lui présente. La première gorgée lui arrache un cri de douleur. Tout le monde accourt. Elle demande qu'on la soutienne et qu'on l'aide à regagner son lit.

Lucide, elle sait ce que tous se refusent à envisager, elle sait qu'elle va bientôt mourir. Elle veut s'y préparer, réclame un confesseur. Mais, tout à coup, l'insouciance et la légèreté de son tempérament se rappellent à elle ; Henriette se révolte. Non, elle ne peut succomber si jeune. Son malaise ne peut provenir que d'un poison violent, il suffit de lui donner un antidote. Elle déclare donc qu'elle a été empoisonnée. Sa fidèle femme de chambre qui a préparé le breuvage est anéantie, tandis que Monsieur reste imperturbable et, comme s'il s'agissait chez la princesse d'une sorte de caprice, ordonne d'aller chercher du contre-poison. La drogue qu'on lui administre la fait un peu vomir sans la soulager. Sur ces entrefaites survient le curé de Saint-Cloud qui l'entend en confession. Durant ce temps, le médecin du duc d'Orléans, Esprit, conseille une saignée et ses collègues Vallot et Yvelin, arrivés de Versailles sur ordre du roi, préconisent des lavements. Tout le monde s'agite. Rien n'y fait. Les douleurs deviennent intolérables. Lorsque le roi et la reine pénètrent enfin dans la chambre, aucun espoir n'est plus permis. Dans le brouhaha des allées et venues, Louis XIV fait ses adieux à sa belle-sœur, son frère fait de même avant de se retirer définitivement. Henriette reçoit l'extrême-onction, alors que le prédicateur Bossuet, choisi pour l'accompagner dans son agonie, arrive. Le silence tombe. Au creux de la nuit, Madame expire en baisant un crucifix. Quel coup de tonnerre dans le ciel serein de la Cour ! Tout s'est passé si vite que ce même Bossuet, quelques jours plus tard, entame une oraison funèbre rendue célèbre par l'exclamation : « Madame se meurt, Madame est morte ». Incroyable, effroyable nouvelle !

Henriette s'est crue empoisonnée, elle l'a dit haut et fort, répété sur son lit de mort à qui voulait l'entendre, dans la langue de Molière comme dans celle de Shakespeare. L'ambassadeur d'Angleterre écrit immédiatement au roi Charles sans cacher la suspicion du poison. En France, tout le monde est prêt à souscrire à la thèse de l'empoisonnement en raison de la soudaineté du décès et des intrigues dont l'entourage de Philippe d'Orléans est coutumier. La seconde épouse de Monsieur, Madame Palatine, dira bien plus tard, après la mort du Roi-Soleil, qu'elle était sûre que le prince n'avait pas empoisonné sa première femme ; si tel avait été le cas, elle aurait refusé de l'épouser ! En revanche, elle se dit persuadée que l'auteur du forfait n'est autre que son favori, le chevalier de Lorraine, désireux de se venger d'une femme qui l'a discrédité. Afin d'éviter un incident avec l'Angleterre et pour protéger son frère, Louis XIV mène rondement l'affaire. Il veut aller au plus vite. Il commence par ordonner l'autopsie de la princesse qui a lieu le jour même en présence de l'ambassadeur d'Angleterre et d'une centaine de témoins. On ne trouve nulle trace de poison dans les entrailles envahies par un épanchement purulent, probablement lié à un abcès infectieux. Les funérailles d'Henriette sont grandioses. Monsieur se remarie peu après avec la princesse Palatine. Le silence succède au tumulte.

Les bruits d'empoisonnement ne font pourtant que commencer. Il en est des crimes comme des vêtements, ils sont tributaires de la mode. À partir de 1670, la capitale bruit de rumeurs extravagantes ; on ne parle plus que de drogues, de poudres et de substances vénéneuses ; on se méfie de tous les mets, de toutes les sauces et de toutes les boissons. La croyance en la sorcellerie, qui avait entraîné de retentissants procès au début du siècle et condamné trop de femmes au bûcher, est refoulée dans le domaine de la supercherie et de l'escroquerie. Place est faite à ce que l'on considère désormais comme beaucoup plus grave : les poisons. La psychose envahit toute la société. Les décès rapides des personnes les plus en vue donnent lieu à des accusations d'empoisonnement à l'encontre de leurs proches, soupçonnés d'être jaloux, envieux ou pressés de recueillir leur succession. Ce véritable phénomène social témoigne, à vrai dire, de manières de penser plus rationnelles et plus modernes. À ces morts inexpliquées, on veut attribuer une cause. Et comme le souligne le principal chroniqueur du règne de Louis XIV, le duc de Saint-Simon, en ce temps-là, « ce ne sont qu'empoisonneurs ». En réalité, il s'agit presque seulement d'un métier de femmes et il faudrait dire que ce ne sont qu'empoisonneuses !

Marie-Madeleine d'Aubray, marquise de Brinvilliers, est la première de ces femmes à être condamnée pour empoisonnement. Elle aurait tué son père et ses deux frères, aurait tenté de supprimer sa sœur, son mari et l'une de ses filles. L'histoire n'a retenu d'elle que l'image d'une tueuse en série, finissant par assassiner gratuitement, sans motif autre que l'envie, le vice et la jouissance de sa toute-puissance. On ne la représente jamais que sous les traits de la laideur et de la démence, notamment dans les gravures du XIXe siècle qui illustrent les récits de son supplice. Les romanciers, comme Alexandre Dumas père, ou les historiens anticléricaux profitent de son singulier procès pour faire celui de la société d'Ancien Régime : Elle est, pour Michelet, l'archétype de « la décadence morale du XVIIe siècle », titre d'un article qu'il lui consacre en avril 1860 dans la Revue des Deux Mondes. Cette série de monstruosités est, selon lui, symptomatique d'un état social décadent : les mœurs sont corrompues par la casuistique, qui finit par effacer les notions de bien et de mal, par l'intolérance des dévots, par la douceur du quiétisme qui endort l'âme, par l'absolutisme d'un roi lui-même dépravé. Bref, la marquise de Brinvilliers incarne à elle seule l'horreur de ce siècle en apparence grandiose et chrétien, en réalité pervers et hypocrite.

Que l'on accrédite ou non la longue liste des crimes sordides dont elle est accusée, son procès ouvre une décennie saturée de poisons. Au lendemain de son exécution, le 18 juillet 1676, Mme de Sévigné écrit à sa fille, Mme de Grignan, qu'enfin « c'en est fait » : son « pauvre petit corps a été jeté dans un fort grand feu et les cendres au vent, de sorte que nous la respirons ». Puis elle ajoute « par la communication des petits esprits [c'est-à-dire des émanations provenant des corps ou miasmes], il nous prendra quelque humeur empoisonnante, dont nous serons tous étonnés ». C'est donc l'annonce d'une épidémie que salue la célèbre épistolière. Comment la marquise de Brinvilliers a-t-elle pu provoquer l'émergence de ce fléau spectaculaire qui frappa si violemment les esprits ?

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