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Avec l'île d'Ogygie, où Calypso retient Ulysse, Homère a découvert l'un des archétypes de l'imagination occidentale : l'île, ce lieu clos, hors de l'espace et du temps, où l'homme s'enferme ou est enfermé. Il n'est pas facile de comprendre où se dresse Ogygie. D'un côté, elle se situe aux confins extrêmes de l'Occident, dans les solitudes désolées de la mer, où il n'y a ni dieux, ni hommes, ni au-delà. Mais, de l'autre, cette île lointaine occupe l' « ombilic » de la mer ; et elle représente le très ancien centre du monde ; et elle entretient un rapport mystérieux avec un autre centre vénérable et très profond, le Styx. Aucun lieu n'est plus isolé : Ogygie est presque inaccessible. Hermès l'atteint à grand-peine, après avoir traversé « tant d'étendues salées, infinies » ; et Ulysse doit la quitter seul, « sans escorte de dieux ou d'hommes », parce que justement aucun passage n'y mène. Si une escorte le conduit de la terre des Phéaciens à Ithaque, aucune escorte ne peut le mener de l'île à la terre des Phéaciens. Tout donne à penser qu'il ne peut quitter Ogygie que par la grâce des dieux. Le centre de l'espace est donc en dehors de tout espace.
Deuxième partie, Ch. I : L'île de Calypso, p. 159 (éd. Gallimard-Folio, 2006)
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