Extraits

Elle était différente des autres. Mais en quoi ? Ce n'était pas la première fois qu'il avait envie d'une femme. Pas la première fois qu'il se sentait charmé, déconcerté et attiré jusqu'à l'obsession. Mais jamais à ce point. Nathan était incapable de penser lorsqu'il la tenait ainsi contre lui. Éprouver était la seule faculté qu'il lui restait : la tendresse, l'excitation, la frustration, l'élan. Comme si son intelligence abdiquait sans conditions, passant le pouvoir à ses émotions qui s'arrogeaient soudain tous les droits.

-Ce que je ressens pour toi, je n'ai pas envie de l'éprouver.Tu peux comprendre cela?

-Oui. Malheureusement , je le comprends.

Elle baissa la tête, comme en signe de défaite.Mais lorsqu'elle leva son visage vers lui, la lueur déterminée était de retour dans son regard.

-Ce que toi tu ne comprends pas, en revanche, c'est que renoncer n'est pas dans ma nature. Ça doit être mon côté irlandais buté.Toujours est-il que c'est toi que je veux , Nathan.Et tu auras beau courir vite, je finirai par te rattraper un jour ou l'autre.Et là, toutes les petites barrières étriquées s'écrouleront comme une rangée de dominos.

-Tu sais que j'ai une réelle affection pour toi, Nathan?

-Bizarrement, c'est réciproque.

Il découvrit qu'il était impossible de ne pas lui rendre son sourire.Tout comme il était impossible de ne pas la regarder lorsqu'elle se trouvait à proximité.Comme si elle avait la faculté de vous attirer en elle, de vous absorber.Etre avec Jackie équivalait à un plongeon dans un lac de montagne par une journée brûlante.

-Donnez-moi deux semaines.Et si je vous complique trop la vie, je partirai sans regimber.

-Jacqueline, je vous connais depuis douze heure et vous me compliquez déjà la vie.

Il est facile d'aimer ce qui est harmonieux et esthétique mais ce qui est laid et inutile mérite également notre attention.

-Qu'est-ce qui te prend de rôder dans le noir en agitant une poêle à frire , bon sang ?

Jackie en étouffait presque.

-Je croyais avoir affaire à six hommes avec des intentions homicides. L'un d'entre vous avait une cicatrice et l'autre était petit avec un visage de fouine.

-Et naturellement tu es descendue pour nous vaincre tous les six à grands coups de casserole sur la tête.

-Pas exactement,non,pouffa-t-elle en s'adossant contre le comptoir.Je suis désolée, je ris toujours quand j'ai peur.

-Quoi de plus logique ?

-Au début, je suis descendue parce que je pensais qu'il y avait un cambrioleur. Une fois en bas, j'avais réussi à me convaincre qu'il n'y avait personne. Et...

Un hoquet l'interrompit.

-Puis j'ai fini par me persuader qu'une bande de malfrats du Kentucky dirigée par un type répondant du nom de Bubba avait réussi à s'introduire dans la maison par un soupirail...Oups !Il me faut de l'eau.

"Que faire ? Empoisonner ces œufs pochés ? Jackie songea que ce ne serait que justice.Elle voyait la scène d'ici. Il descendrait prendre son petit déjeuner. Les traits lisses et reposés. La mine détendue. L’œil indifférent. Avec juste une point imperceptible de sarcasme dans le regard. Elle savait même d'avance comment il serait vêtu : pantalon en coton clair. Une chemise marine. Le tout repassé sans un pli.

Elle, ne lui donnant aucune raison de se méfier, lui servirait en souriant une superbe assiette de bacon canadien ,très légèrement grillé et des œufs pochés sur un toast. Avec juste un soupçon de cyanure.

Fidèle à ses habitudes, il commencerait par boire une gorgée de café. Puis il couperait sa viande. Elle-même se servirait une assiettée similaire à la sienne. Ainsi, tout paraîtrait parfaitement normal. Ils parleraient du temps. "Un peu humide, n'est-ce pas? Il se pourrait qu'on ait de la pluie avant ce soir."

Lorsqu'il prendrait sa première bouchée d’œufs, la sueur,presque aussitôt, perlerait à son front. Très vite, il tomberait à terre, les yeux révulsés, en proie à une souffrance atroce. Et, lorsqu'elle se pencherait sur lui , il la supplierait de lui pardonner juste avant de rendre son dernier souffle.

Pas mal,jugea Jackie. Mais un peu trop banal,comme scénario. Il va falloir trouver plus subtil."