Extraits

Il ne pouvait pas être son ami, bien sûr, mais peut-être pouvait-il faire semblant pendant un moment ?

— C’est vrai, concéda-t-il. En années fae, j’ai à peu près ton âge.

— As-tu… une petite amie ?

Il manqua de s’étouffer avec la gorgée d’eau suivante, répandant ainsi de précieuses gouttes sur son menton et sa poitrine. La question était inattendue.

Elle semblait innocente, curieuse, rien de plus. Sa vie ne lui avait probablement pas laissé beaucoup de place pour une relation amoureuse, bien qu’elle fût en âge de le faire. Sa curiosité ne devrait pas le surprendre.

C’était sa faute s’il l’avait considérée plus comme une enfant que comme une femme.

Il évita de répondre directement à sa question.

— À Lorsan, on ne se préoccupe pas de trouver un partenaire avant d’avoir une centaine d’années ou plus. Et si on est l’héritier de quelque chose d’important, le mariage est une question d’importance nationale, à moins qu’un lien d’accouplement ne se produise, bien sûr.

— Un lien d’accouplement ? Qu’est-ce que c’est ?

— C’est quand on trouve sa moitié. La légende dit que les dieux déchirent une âme en deux avant de donner à chaque partie un corps et une vie. Si les deux parties parviennent à se retrouver, leur union est la plus forte et la plus puissante de toutes.

— Et se retrouvent-ils toujours ? demanda-t-elle captivée.

— Cela n’arrive pas souvent aux gorgones. Mais si ça arrive, c’est vraiment extraordinaire. Mes parents forment un couple uni. Leurs forces et leurs faiblesses se complètent, ce qui les rend plus puissants. Leur amour est inconditionnel, et leur loyauté est inébranlable. Leur règne sur notre terre est absolu. Rien ni personne ne peut se mettre en travers de leur chemin.

— Ouah. C’est… c’est bon de savoir qu’il y a quelqu’un pour vous quelque part. Quelqu’un qui te complète, pour que tu ne sois jamais seul.

L’homme au guichet, un des amis de Brad, m’avait traitée de fantôme.

Et parfois, j’aurais aimé en être un, invisible, intouchable, immatériel.

Impossible à faire souffrir.