Extraits

- Celui qui est obligé de lancer son attaque avant de l'avoir planifiée n'a pas de plan.

- Les vieux adages sont toujours vieux, mais pas toujours vrais."

Après s’être assuré que Wigshab était hors de vue, Kickaha sortit de la hutte pour faire le point. Krazb, bourré comme un Seigneur, devait avoir oublié de poster des gardes. Les seuls Whaziss en vue étaient affalés ivres morts.

Kickaha prit une inspiration profonde. La brise était assez fraîche pour être agréable. On avait enlevé la plupart des torches, mais, dans la nuit sans lune, quatre brandons brillant au mur du temple donnaient assez de lumière pour guider les voyageurs.

Anania sortit de la hutte. De même que Kickaha, elle n’avait bu que très peu.

« Tu as entendu Krazb ? dit-elle. Il a parlé d’un prix d’admission à la Porte. Ça me paraît de mauvais augure. »

Les deux femmes crièrent et bondirent comme si elles avaient marché sur des fourmis carnivores. La rousse sortit de sa paralysie en un clin d’œil et s’élança vers les vibreurs. Puis elle s’arrêta et revint lentement vers Életh. Elle avait compris qu’elle ne parviendrait pas aux armes avant d’être transpercée par la flèche d’Anania.

« Ça semble très probable, dit Anania. Mais il avait peut-être mis le circuit et le piège en place pour un de ses nombreux ennemis. Et ceci bien avant que toi et moi apparaissions sur la scène. À moins que ça n’ait été sa sortie de secours en cas d’urgence.

— Rien n’est sûr tant que rien n’arrive. Pour citer votre philosophie thoan, Manathu Vorcyon : « L’ordre est composé de désordre et le désordre à son ordre propre. » Comprenne qui pourra. Mais je suis fichtrement méfiant.

L’homme écailleux gisait au centre de l’immense salle. Mort ou en animation suspendue, il était né cent ou deux cent mille ans plus tôt peut-être. Dans cette tombe palpitante de couleurs, les deux intrus n’avaient aucun moyen d’estimer son âge. Ils sentaient seulement que cette tombe avait été bâtie alors que leurs ancêtres les plus lointains n’étaient pas encore nés. Elle semblait suer le temps.

« Tu as déjà entendu parler de ça ? » chuchota Kickaha. Puis, comprenant que la discrétion était inutile, il reprit à voix haute :

« J’ai l’impression que nous sommes les premiers à entrer depuis que ce… cette créature… a été déposée ici.

« Il y avait trop de bruit. Qu’est-ce qu’il a dit à propos du prix ?

— Que nous en parlerions ce matin. Qu’il y a deux prix. Un pour voir la Porte. L’autre, beaucoup plus important, pour utiliser la Porte. »

« Cette fois-ci, c’est la bonne ! dit Kickaha. J’en suis sûr, j’en suis sûr ! Je sens les énergies former un énorme entonnoir pour nous aspirer vers le but ! Il est droit devant nous ! On y est enfin arrivés ! »

Il essuya la sueur qui perlait sur son front. Il avait le souffle court, mais il accéléra l’allure.

Anania le suivait à quelques pas sur le raidillon. Elle maugréa quelque chose. Il ne prêtait jamais l’oreille à ses paroles décourageantes, c’est-à-dire réalistes.