Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
714 792
Membres
1 013 864

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Ajouter un extrait


Liste des extraits

** Extrait offert par Ruth Langan **

Prologue

Irlande, 1560

La chapelle de Ballinarin, la demeure ancestrale du clan O’Neil, était pleine à craquer de parents et d’amis venus d’aussi loin que Malahide Castle, à Dublin, ou Bunratty Castle à Clare. L’humeur était festive, car l’on se préparait à assister aux noces de Rory O’Neil, fils aîné de Gavin et Moira, et de sa bien-aimée Caitlin Maguire.

Dans la sacristie, petite pièce située derrière l’autel, le fiancé faisait les cent pas pendant que son frère Conor, debout sur le seuil, observait les derniers invités en train de prendre place sur les bancs.

Rory s’arrêta.

— Qu’est-ce qui la retient ?

Un rayon de soleil passant au travers d’une haute croisée mettait des reflets bleutés dans ses cheveux d’ébène. Vêtu de chausses noires et d’une chemise blanche, sa cape ornée de l’écusson des O’Neil rejetée avec panache sur une épaule, il était resplendissant.

— Tu n’as point à t’inquiéter qu’elle ait changé d’avis, Rory, répondit son cadet. Caitlin est éprise de toi depuis qu’elle est assez grande pour écouter son cœur. Sois patient.

— Toi et ta patience ! grommela le jeune homme.

Conor sourit largement.

— Cela n’a jamais été l’une de tes vertus, je sais. Néanmoins, laisse tout de même le temps à ta lass de se faire belle pour son futur époux !

— Caitlin ne pourrait se rendre plus belle qu’elle ne l’est déjà. Et comment veux-tu que je ne bouille pas sur place ? J’ai attendu ce jour toute ma vie.

— Oui. De fait, on croirait que tu es amoureux d’elle depuis toujours.

— Depuis mes douze ans, précisa Rory avec ce sourire éclatant qui donnait à toutes les filles, de Derry jusqu’à Cork, l’espoir d’attirer son attention.

Mais Rory O’Neil n’avait d’yeux que pour une jouvencelle.

— Je suis né pour elle, poursuivit-il. Aujourd’hui enfin, Conor, ma vie sera complète.

Il baissa la voix.

— Sais-tu que je me suis rendu chez elle, hier soir, et faufilé jusqu’à sa chambre pour la voir ? Je n’avais plus la force d’attendre ce matin. Je voulais déjà partager sa couche et la tenir dans mes bras.

Conor renversa la tête en arrière et partit d’un grand rire.

— Mieux vaut que notre chapelain n’entende pas une chose pareille !

— Il n’aurait rien à redire : Caitlin a refusé. Elle m’a dit qu’elle tenait à se réserver pour sa nuit de noces, que ce serait son présent pour son époux.

Il sourit derechef.

— Son époux. Dieu, que j’aime le son de ce mot !

— Avec tout l’amour que vous engrangez depuis des années, tous les deux, je gage que votre nuit de noces sera mémorable, commenta son cadet.

Les deux frères se retournèrent en entendant la porte latérale s’ouvrir derrière eux. Une mince jouvencelle, vêtue d’une robe de satin rose, entra d’un pas précipité.

— Je craignais d’arriver trop tard, dit-elle, le souffle court.

Rory ne put s’empêcher de sourire à la vue de sa petite sœur. Ses longs cheveux roux étaient balayés par le vent, ses pommettes écarlates. A en juger par sa respiration saccadée, elle avait dû franchir en courant la distance qui séparait le donjon de la chapelle. Depuis qu’elle savait marcher, la pauvrette s’évertuait à rattraper ses aînés, pensa-t-il avec tendresse.

— Trop tard pour quoi, Briana ? s’enquit-il.

— Pour embrasser mon grand frère avant qu’il ne me quitte.

— Tu parles comme si je devais partir. Tu sais pourtant que Caitlin et moi vivrons ici, à Ballinarin.

— Oui, mais tu seras un mari.

Les joues de la fillette se creusèrent de fossettes malicieuses, et les deux frères en conclurent qu’elle avait dû surprendre la fin de leur conversation. Ce qui n’était pas grave, en soi : leur benjamine savait fort bien garder les secrets.

— De surcroît, vu la manière dont vous vous mangez des yeux, tous les deux, tu ne tarderas sûrement pas à devenir père, ajouta-t-elle. Tu n’auras plus de temps pour une sœur.

Rory l’attira à lui et posa un baiser sur le sommet de sa tête.

— J’aurai toujours du temps pour toi, Briana. Sans compter que tu pourras aussi venir chez nous chaque jour, afin d’aider Caitlin à s’occuper des enfants.

— Et combien pensez-vous en avoir, au juste ?

— Au moins une douzaine. Les garçons seront tous aussi forts et beaux que leur père ; quant aux filles, elles auront la chevelure de jais de leur mère, son teint cristallin, aussi pur que l’eau de la rivière Shannon, et elles seront si ravissantes que je devrai les enfermer à clé, pour empêcher les jouvenceaux des environs de me les enlever.

Conor et Briana s’esclaffèrent.

— C’est ce que j’aime chez toi, Rory ! déclara son frère dans un dernier éclat de rire. Quand tu rêves, tes rêves sont toujours démesurés. Espérons que le sort n’en décidera pas autrement — que tes fils ne seront pas aussi petits et délicats que leur mère, et tes filles aussi solidement bâties que toi !

— Sûrement pas. Elles…

Le jeune homme laissa sa phrase en suspens, interrompu par le charivari qui venait de la chapelle. Il sourit, soulagé.

— La voilà enfin. Je commençais à penser…

Il s’interrompit de nouveau et son sourire s’évanouit, quand il distingua la teneur des cris qui résonnaient entre les murs de pierre. Immédiatement, il se rua vers le chœur, son frère et sa sœur sur les talons.

Un garçonnet de six ou sept ans, ses habits déchirés et ensanglantés, gesticulait d’un air épouvanté à l’entrée de la petite nef.

— Des soldats anglais ! piailla-t-il. Ils étaient plus d’une douzaine !

Le cœur de Rory cessa presque de battre, tandis qu’il jouait des coudes pour rejoindre l’enfant. C’était un neveu de Caitlin, un fils de son frère aîné. Il s’accroupit à sa hauteur et le prit par les épaules.

— Où sont les autres, Innis ?

Les yeux du petit garçon étaient élargis par le choc et la terreur.

— Là-bas, sur la route. Après le tournant…, murmura-t-il dans un souffle. Mon père m’est tombé dessus et m’a cloué sous lui. J’ai été obligé de tout voir, sans rien pouvoir faire. Ils sont tous morts, Rory.

— Non !

Le hurlement du jeune homme retentit à travers la chapelle. Il lâcha Innis, se releva d’un bond et bouscula tous ceux qui se trouvaient sur son passage, figés d’horreur, pour sortir en trombe.

Une fois dehors, il attrapa les rênes de la première monture qu’il rencontra, sauta en selle et détala au grand galop. Très vite, il entendit derrière lui les sabots des autres chevaux qui le suivaient, mais pas une fois il ne se retourna.

Il filait droit devant sur la route qui traversait les tourbières, en direction de la courbure indiquée par le petit garçon. Avant même d’y arriver, il perçut le silence. Un silence étrange, anormal. Pas un oiseau ne chantait. Pas une créature ne bougeait. C’était comme si ce coin de terre tout entier retenait son souffle.

Et puis… il les vit. Des corps entassés pêle-mêle, ceux des bêtes et ceux des êtres humains. Le sol était rougi de leur sang. Les chevaux étaient morts sur place, des lances leur perforant le cou ou le poitrail. Les hommes s’étaient battus furieusement, cela se voyait ; beaucoup gisaient sur le dos, tenant encore leur épée. Mais la pire sauvagerie avait été déployée à l’encontre des femmes.

Rory vit frémir dans la brise un lambeau d’étoffe blanche. La robe nuptiale de Caitlin. Ce fut la seule chose qui lui permit de l’identifier. Il se fraya un chemin parmi le carnage et s’agenouilla près d’elle : sa robe avait été ouverte en deux d’un coup d’épée, elle ne tenait plus que par une manche encore attachée à son poignet. A en juger par les marques visibles sur son corps, elle avait été brutalisée avant d’être égorgée — avec une telle violence que sa tête était presque détachée de son cou.

Poussant un cri de douleur et de rage, il la prit contre lui et enfouit son visage dans ses cheveux ensanglantés. Des sanglots terribles le secouaient, témoignant de l’immensité de son chagrin et d’un cœur rompu au-delà de toute rémission.

— Rory… Juste ciel, Rory !

Conor fut le premier à le rejoindre. Il ne put que pleurer aussi, debout, anéanti par le spectacle de son frère qui se révoltait en silence contre l’horreur de cet événement.

Quand les autres arrivèrent, Gavin O’Neil s’avança à grandes enjambées au milieu des cadavres pour aller se poster au-dessus de son fils aîné. D’une voix qui tremblait d’une émotion à nu, il déclara :

— Le petit, Innis, dit que le chef de ces sauvages était appelé Tilden par les autres. Un grand costaud aux cheveux jaunes, défiguré par une cicatrice qui court de son œil gauche jusqu’à sa mâchoire. Un visage pareil ne sera pas facile à cacher.

— Je le retrouverai.

Rory dégrafa sa cape et en couvrit la nudité de Caitlin. Puis il se remit sur pieds en chancelant, le corps brisé de celle qui avait été sa raison de vivre dans les bras. Ce soir-là, il aurait dû l’étreindre ainsi dans leur lit, vivante et chaude. Au lieu de quoi, elle serait allongée pour toujours dans la terre rude et froide.

Il leva les yeux pour regarder les siens, proches et amis ; tous pleuraient sans pouvoir se contrôler.

Ses propres larmes s’étaient asséchées. Son regard noir, aussi dur que du granit, se porta au-delà de la chaussée imbibée de sang.

— Je vous en fais le serment : je ne m’accorderai pas un instant de repos tant que je n’aurai pas retrouvé le porc anglais qui a commis et permis ces atrocités.

Son père posa une main sur son épaule.

— Nous allons chercher un chariot pour la transporter au château avec les autres, afin de leur donner une sépulture.

Rory se dégagea.

— Non. Nul autre que moi ne touchera Caitlin. Je la porterai moi-même. C’est tout ce que je peux lui donner, maintenant.

* * *

Ce fut une procession lugubre et silencieuse qui regagna la chapelle un moment plus tard. Les membres de l’assistance, dans leurs beaux atours, contrastaient cruellement avec les cadavres ensanglantés amoncelés sur des chariots à foin. En tête de la colonne marchait Rory O’Neil, sa chemise et ses chausses tachées de sang. Le corps qu’il portait dans ses bras était entièrement recouvert de sa cape, à l’exception d’une mèche de cheveux noirs mêlés d’herbe et de sang.

Près de la petite église, il resta debout, Caitlin serrée contre son torse, pendant qu’une fosse était creusée et que le frère Malone psalmodiait les mots qui consacraient le sol où la jeune fille allait reposer.

Des heures durant, alors que d’autres tombes étaient creusées et les morts ensevelis, Rory demeura à genoux, en silence, devant le monticule de terre qui recouvrait sa bien-aimée. Quand le dernier cadavre eut été enterré, il promena les yeux sur le cimetière, puis les fixa au loin.

Sa famille s’était rassemblée autour de lui. Il enlaça son père et sa mère, baisa la joue de sa sœur.

Les pleurs de Briana se changèrent en sanglots déchirants qui ébranlaient sa frêle silhouette.

— Ne pars pas, Rory, je t’en prie ! supplia-t-elle. Il ne faut pas. Si tu t’en vas, je ne te reverrai jamais.

— Chut… Calme-toi.

Il la tint un moment contre lui et chuchota, les lèvres sur son front lisse :

— Je reviendrai. Fais-moi confiance.

Conor pressa l’épaule de son frère.

— Me permets-tu de t’accompagner ?

Rory refusa d’un ferme mouvement de tête.

— C’est quelque chose dont je dois m’acquitter seul. En outre, on a besoin de toi ici.

Il pivota vers sa mère qui se tenait derrière Innis, les bras noués autour des minces épaules du garçonnet.

— Prendrez-vous soin de lui ?

Moira acquiesça.

— Cet enfant sera un fils pour moi, jusqu’à ce que le mien revienne.

Rory attacha son baudrier, qui supportait son épée, et se munit de deux poignards : l’un qu’il glissa dans sa ceinture, l’autre dans sa botte.

Son père ôta sa propre cape, ornée elle aussi des armes du clan O’Neil, et la drapa sur les épaules de son premier-né. Puis il leva une main pour le bénir.

— Que Dieu chevauche à ton côté, Rory, et te ramène vite auprès de ceux qui t’aiment.

Sans un mot, le jeune homme enfourcha son cheval — et se tourna pour jeter un dernier regard à Ballinarin. Dans le lointain, le sommet de Croagh Patrick veillait telle une sentinelle sur la région.

La montagne changeait si rapidement de couleur qu’elle ne semblait jamais la même. Un peu plus tôt, dans la bruine, elle était d’un gris vert âpre et dur. A présent, dans la chaude lumière du soleil couchant, elle prenait des teintes adoucies, rose pêche. En hauteur, ses flancs étaient couverts de buissons tordus et d’arbres squelettiques ; à sa base poussaient de grands pins et des touffes de rhododendrons.

Des cascades se bousculaient le long des pentes pour aller se jeter dans la rivière. Des lambeaux de nuages déchirés dérivaient dans le ciel. Ce pays sauvage et désolé recelait son cœur. C’était l’unique endroit sur terre où il avait jamais désiré vivre. Désormais, cependant, ce paysage à la douceur trompeuse paraissait le narguer. Du fait de la violence qui avait eu lieu dans ses confins, il allait entamer une odyssée. Une odyssée qui l’entraînerait loin d’ici pour des années, peut-être même pour sa vie entière, jusqu’à ce qu’il ait réglé ce qu’il avait à régler.

Afficher en entier

Anna Claire hocha la tête, se remémorant les larmes de joie qui avaient ruisselé une bonne partie de la journée sur les joues de la jouvencelle.

La soubrette ouvrit le lit, rabattit les draps et alla tirer les draperies devant les fenêtres. Puis elle ajouta une bûche dans la cheminée.

— A présent, milady, je vais vous souhaiter une bonne nuit, avec la bénédiction des miens. Puissent les anges veiller sur votre sommeil.

Anna Claire fut touchée par sa gentillesse.

— Merci, Velia. Où dormez-vous, vous ?

— Je dispose ici d'une petite chambre, que je pourrai garder aussi longtemps que je le souhaiterai. Toute ma vie, j'en saurai gré à la famille O'Neil.

Afficher en entier

mémoire. Les Irlandais étaient pour la plupart de fervents patriotes, mais beaucoup vivaient aussi dans une misère noire. La promesse d'une récompense pouvait bien, de fait, représenter une tentation trop grande pour y résister —

même pour les plus loyaux d'entre eux.

Immédiatement, la jeune fille quitta sa chambre en trombe et dévala le grand escalier.

— Glinna ! Glinna ! appela-t-elle en allant de pièce en pièce, sa voix de plus en plus frénétique.

Dans la cuisine, elle découvrit Tavis et Bridget attablés devant une tasse de thé et des biscuits.

— Avez-vous vu Glinna ? demanda-t-elle, hors d'haleine.

— Oui, milady, répondit le majordome. Pas plus tard que tout à l'heure, elle est sortie en courant de la maison comme si elle avait le diable à ses trousses.

— Doux Jésus !

Sous le regard ahuri des domestiques, Anna Claire pirouetta sur ellemême et remonta à vive allure dans les étages.

Rory O'Neil devait disparaître sur-le-champ. Sans quoi, si ses soupçons s'avéraient exacts, il était condamné à une mort certaine.

Afficher en entier

Pendant le trajet de retour, elle se tint très droite, réfléchissant à ce qu'elle venait de vivre. Si elle parvenait à sauver un petit garçon éperdu de tristesse, au cœur effroyablement blessé, songeait-elle, peut-

être resterait-il un espoir pour les autres habitants de Ballinarin.

S'il n'était pas déjà trop tard.

Si les crimes démoniaques de ses compatriotes n'avaient pas tourné à tout jamais contre elle le cœur de ces Irlandais atteints dans leur chair.

Et n'avaient scellé pour toujours le destin contrarié de deux amants que les étoiles, semblait-il, avaient condamné à ne point connaître la félicité.

Afficher en entier

— Et qu'en sera-t-il de mes besoins, à moi ? s'enquit Anna Claire d'une voix qui tremblait.

Rory secoua la tête.

— Je ne vous ai fait nulle promesse, ma douce. Je savais que je n'en avais pas le droit, répondit-il fermement. Mon devoir doit passer avant tout. Ce soir, il consiste à éloigner ces soldats d'ici. Plus tard, quand ils me captureront, je leur dirai que vous êtes morte, afin de mettre un terme à leurs recherches.

— Vous les laisseriez vous pendre pour mon assassinat ? se récria-telle, horrifiée.

— Chut...

Il posa un doigt sur ses lèvres, et en éprouva un choc. Il eût tout donné pour pouvoir passer une dernière nuit dans ses bras. Mais il ne devait pas en être ainsi.

— Pour vous protéger et protéger les miens, oui. Il faudra du temps, avant que mon père ou mon frère puissent vous ramener sans encombres chez vous. En outre, j'en suis venu à penser que seule ma mort pourra calmer nos ennemis, désormais.

— Je ne vous laisserai pas faire !

Elle le repoussa violemment et chercha à sortir de son lit.

Afficher en entier

Tous, sauf Rory, se courbèrent quand la souveraine quitta la pièce d'une démarche altière, Anna Claire et Dunstan derrière elle. Sur le seuil, la jeune femme détourna la tête afin de jeter un dernier regard à son bien-aimé et au petit garçon qu'elle aurait rêvé d'élever, avant de mettre au monde ses propres enfants si le ciel avait voulu lui donner cette grâce. Mais son promis la tira rudement par le poignet et claqua la porte sur eux.

Pendant un long moment, un silence terrible régna dans la pièce. Nul ne parla, nul ne bougea.

Puis Rory se mit à jurer d'un ton furieux et planta son poing dans le mur avec une telle violence que les chandelles posées sur le manteau de la cheminée se renversèrent.

Peu lui importait la douleur physique, comparée à celle qui lui rompait le cœur. Après deux années d'enfer, il avait triomphé de son pire ennemi et croyait enfin le bonheur à portée de sa main. Mais il n'était pas dit qu'il goûterait au doux banquet de la victoire. Sa bouche n'était que bile et amertume.

En quelques ignobles minutes, il avait perdu ce qui lui était le plus cher. La souffrance qui le labourait était si atroce qu'il ne se sentait pas la force de la supporter.

Afficher en entier

— Briana !

Moira était déjà installée dans sa riche voiture, Gavin à son côté. Les promesses du printemps s'étaient épanouies en un été radieux. Une douce brise allégeait la chaleur de la matinée.

— Où est Rory ? s'enquit la châtelaine.

La jeune fille grimpa dans le carrosse et s'installa face à ses parents.

— Dans ses appartements, répondit-elle. Morose et renfrogné, à son habitude.

Lady O'Neil lança une œillade inquiète à son époux, qui haussa les épaules.

— C'est tout ce qu'il sait faire, depuis qu'il est rentré de Londres.

— Lui as-tu dit que nous partions pour le village ? demanda encore Moira à sa fille.

— Il ne veut pas venir.

— Ce sont les noces de Velia, tout de même !

Désespérée, la châtelaine se tourna vers son fils cadet, qui enfourchait un superbe coursier.

— Conor, va parler à ton frère. Toi, tu sauras le convaincre de nous accompagner. Velia ne comprendrait point que la famille ne soit pas là au complet.

— Cessez de le harceler, Mère, répondit le jeune homme. Une fête de mariage est le dernier endroit où Rory désire se trouver. Partons, sans quoi nous serons en retard à la chapelle.

— Nous ne pouvons partir tout de suite, Innis n'est pas là.

— Il ne vient pas non plus.

Afficher en entier

— Avez-vous faim ?

Rory était allongé parmi les fourrures en désordre, un bras sous sa tête et l'autre sous la taille d'Anna Claire. Le soleil déjà haut filtrait à travers le toit de la cabane.

— Une faim de loup, répondit-elle, appuyée sur son épaule. Nous n'avons pas mangé les poissons que vous avez péchés hier.

Il enroula une boucle blonde autour de son index ; dans la lumière, elle prit l'éclat de l'or.

— Je crois me souvenir que nous avons eu d'autres occupations plus pressantes.

— Oui. Mais à présent, vous devez me nourrir, Rory O'Neil.

— Et si je ne le fais pas ?

Anna Claire sourit.

Afficher en entier

Rory retint son souffle pendant qu'elle réitérait plusieurs fois ce mouvement. Son épaule avait beau rester immobile, des flèches de feu traversaient ses muscles. Il avait du pain sur la planche, apparemment, avant de retrouver l'usage de son bras. Que serait-il devenu, se demanda-t-il, sans l'intervention de son ange gardien ?

Afficher en entier

ette histoire était de la folie pure, se fustigea-t-elle. Elle ne sortirait pas indemne de cette périlleuse entreprise. Comment pouvait-elle se laisser émouvoir de la sorte par un sauvage qui ne songeait qu'à se battre ?

Elle ne serait certes pas la première innocente à avoir le cœur brisé par un bandit de l'espèce de Rory O'Neil. Elle ne se leurrait nullement sur ce point. Mais son cœur n'était pas le seul enjeu, dans cette affaire.

Par son imprudence, elle mettait en péril d'autres vies que la sienne.

Les conséquences de sa légèreté pouvaient être meurtrières.

Afficher en entier

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode