Extraits

Je n’entendais plus les cris. Je n’entendais plus rien. Tout était devenu flou. Comme si le monde autour de moi tournait au ralenti. Est-ce que c’était ce que la vie avait prévu pour moi ? Est-ce que c’était mes décisions qui m'avaient amenée jusqu’ici ? Ou était-ce tout simplement écrit ?

Et il y avait moi. La petite serveuse traumatisée que les médias s'arrachaient. La jeune blonde inoffensive qui avait échappé au carnage ayant causé le décès de vingt-trois personnes dont sept enfants. L'Américaine bénie des dieux ou la complice clandestine de ces trois fabricants de chimères. Celle qui rêvait de voir Sam Forrest une balle entre les deux yeux.

Après chaque bouchée, la blonde buvait une gorgée de café en pinçant ses lèvres sur la tasse, comme un oiseau l’aurait fait sur un abreuvoir en hiver. Elle avait cette délicatesse des gens tristes, ces gestes lents qui ne veulent rien briser.

La jeune fille avança vers la sortie, les jambes chancelantes, deux béquilles humaines à ses côtés. Elle avait vécu la guerre. Elle avait vu la mort dans son plus simple appareil. Elle ne sera plus jamais la même, pensait Follers. Les cellules d’aide psychologique auront beau mener leur travail avec professionnalisme, elle aura laissé une part d’elle-même ici ce soir.