Extraits

Son regard se porte sur Beau allongé sur mes jambes, sa poitrine se levant et s'abaissant dans son sommeil.

- Regarde Beau, a-t-elle dit. Est-ce que tu penses qu'il laisserait quoi que ce soit t'arriver? Est-ce que tu penses qu'il te laisserait affronter le danger seul?

- Non, ai-je répondu de ma voix râpeuse. Il me laisserait pas tomber. C'est le meilleur des chiens. Mais... les chiens aussi meurent, Maman. Les chiens meurent.

Nouveau silence. Mes peurs et ma tristesse formaient une grosse boule en moi.

- Oui, a dit ma mère après de longues secondes. Les chiens meurent. Mais avant, ils vivent jusqu'au dernier jour. Ils vivent des vies merveilleuses, courageuses. Ils protègent leur famille. Ils nous aiment. Ils mettent un peu plus de lumière dans nos vies. Et ils ne gaspillent pas de temps à avoir peur du lendemain. Regard-le, mon chou.

Tous les trois, nous avons regardé Beau, endormi auprès de son maître malade. Je suis ai gratté les oreilles.

- Il a peur de rien, a repris ma mère. Il ne se soucie de rien. Il se contente de vivre sa vie. Heureux d'être là, avec toi. C'est un bon chien.

A travers la nuit,

Une amie vous tend la main,

Sa chaleur aussi.

Seul, je disparais.

Voyage neuf, chemin neuf.

Bers le blanc sommet.

En me tournant pour y aller, je sens un renflement dans ma poche. Je prends une inspiration tremblante et en retire la montre.

C'est une vieille montre à gousset en argent avec un cadran rond en verre. Un cadeau de mon grand-père mort. Je me mords la lèvre, presque jusqu'au sang. Je sens le mécanisme de la montre dans ma main. Tic. Tac. Tic. Tac. Le temps qui passe.

Voilà ce que je ne comprends pas : pourquoi les gens s'amusent-ils à trimballer un objet qui leur rappelle en permanence que la vie file sans qu'on y puisse rien?