Ajouter un extrait
Liste des extraits
Et puis, trente années à ajouter du fer à des criminels anémiques, ça marque. On connaît plus ludique. D’autant que le statut de flic imposait une réserve qui avait fini par éroder mon âme espiègle de joyeux drille caractéristique de mon enfance. Alors, sans aller jusqu’à me trimbaler avec Humour is back sur mes tee-shirts, j’avais décidé d’explorer les catacombes de mon esprit, dans l’espoir de prendre ensuite les choses plus à la légère. Je m’étais ainsi retrouvé plusieurs fois dans le cabinet de ma voisine de palier, une ostéopathe spécialisée dans l’énergie transgénérationnelle. Sous son action, les plaques tectoniques de mon âme se mouvaient en séismes moins brutaux. Je participais même à une vaste enquête d’Harvard sur le bonheur. Après inscription sur iphone, arrivaient plusieurs fois par jour des questions du type : Avez-vous bien dormi ? Vous sentez-vous bien ? À évaluer sur un curseur allant de « très bien » à « moyen » qui permettait de mesurer l’humeur du moment. À la fin, on recevait son « profil de joie ». Tout un programme.
Afficher en entierAprès deux heures de Twitter, Facebook, Google, Excel, et autres barbarismes face auxquels j’arborais l’air contrit du chimpanzé Ham à bord de la première capsule orbitale, John m’arracha à mes rêveries. Soi dit en passant, je n’avais jamais élucidé pourquoi les Russes satellisaient des chiens, et la Nasa, des singes.
Afficher en entierSa référence au physicien Avogadro, mon homonyme à un d près, inventeur du nombre du même nom, me laissa de marbre. D’aucune utilité dans le quotidien, ce qui s’avérait plutôt décevant de la part d’un natif d’un pays auquel on devait pèle mêle ragazza, Ferrari, truffe blanche, haute couture, Verdi et place du Palio.
Afficher en entierSes yeux globuleux me fixaient, les doigts lourds et velus en apesanteur face à l’écran neuf qui trônait sur mon bureau. La couperose de ses joues épaisses diffusait des effluves d’after-shave bon marché. J’exhalai vers lui une bouffée de cigarette en guise de réponse.
Afficher en entierC’est donc sans crainte que je lui avais laissé le sésame de mon bureau de détective privé, au cinquième étage du 278 Pearl Street à l’angle de Beckman, pointe sud de Manhattan.
Afficher en entierJohn Davenport, un vieux pote, m’accueillit, un large sourire aux lèvres. Aussi méticuleux que sa chevelure était cendrée et ses sourcils hirsutes. Ancien du MIT, Massassuchets Institute of Technology, il avait biberonné du high-tech depuis sa plus tendre enfance pendant que je me prenais pour Mc Queen dans Bullit.
Afficher en entierJe n’étais pas homme à me retourner sur le passé. Et puis, j’avais vécu ma vie comme une minuterie, à appuyer souvent dessus pour la relancer. La retraite m’avait bien effleuré, mais le terme m’évoquait une défaite. Quand on a longtemps oscillé entre les frontières du bien et du mal, de la légalité et de l’illégalité, de la folie et de la raison, on ne rend pas son passeport aisément. L’humeur à « tarfouiner » et à combler les piaillements des oisillons nicotine et adrénaline nichés dans mes ventricules demeurait encore bien présente.
Afficher en entierUne journée de fin de printemps s’annonçait, trop belle pour ne pas charrier son lot inattendu de grains de sable. Je levai la tête, vieux réflexe depuis un fameux 11 septembre. Les récifs menaçants de Manhattan sur lesquels se tailladaient mes congénères quand ils échappaient aux squales du capitalisme, de la mafia et de la criminalité, défiaient un ciel céruléen. Dans le Pays basque, les pauvres peignaient leurs volets avec du sang de bœuf. À Big Apple, l’hémoglobine s’étalait sur toutes les façades et n’avait pas le temps de sécher : homicides, overdoses, suicides…
Afficher en entier