Extraits

Orienter sa pratique nécessite de s'orienter en fonction du monde tel qu'il est, dans lequel nous sommes jetés, et de faire avec.Dans ce cadre, je pense que tout artiste, et donc toute réflexion sur l'art, doit partir des acquis de la sociologie, c'est-à-dire des travaux de Pierre Bourdieu. Parler d'art, pour moi, c'est parler de Bourdieu.Et pour le dire clairement, il y a une réalité objectif du monde social de l'art : dans les sociétés contemporaines, l'art remplit une fonction conservatrice. Peut-être est-ce même encore plus grave : il forme l'un des rouages essentiels du fonctionnement de la domination sociale et de la reproduction de la division entre les classes.

Élaborer Une éthique des œuvres et se conduire en accord avec elle suppose d'abord pour les artistes (mais aussi pour les galeristes, les critiques, les curateurs, les professeurs, etc.) de rompre avec l'ensemble des représentations qui conduisent à ne pas prendre en compte le monde, et le monde social, lorsqu'ils produisent une œuvre et réfléchissent à sa réception, sa diffusion, son installation - la plus perverse de ces représentations étant celle qui affirment que l'art est en tant que tel oppositionnel en sorte qu'il n'y aurait pas à se poser ces questions car elles seraient d'emblée résolues.

Ce livre aurait pu s'appeler : l'art, la honte. Il pose cette question : un art qui se situe au-delà de la honte est-il possible ?

Ce que je veux dire ici n'est pas vrai que pour l'art mais pour toute forme de pratiques. Il faut se méfier des discours qui se présentent comme radicaux mais qui, au fond, aboutissent au fait d'empêcher d'agir : toute action est vue comme "corrompue", non suffisamment affranchie des systèmes de pouvoir, en sorte que l'aspiration à une forme de pureté débouche sur le fait de ne rien pouvoir faire. Quand une idée ou un raisonnement paralyse, c'est que c'est une mauvaise idée. l faut se méfier du mythe enfermant de l'artiste maudit qui se vit comme d'autant plus pur qu'il est de plus en plus exclu du champ.