Ajouter un extrait
Liste des extraits
Au XVe siècle, en France, une forme nouvelle de la pensée se crée de toutes parts. Mais, à bien y regarder, la forme et l’esprit ne se recouvrent pas. L’esprit reste orienté vers les idées directrices du moyen âge ; il garde l’empreinte médiévale. La forme classique peut servir à exprimer les vieux concepts : tel humaniste choisit la strophe saphique pour énumérer les reliques d’un lieu saint. D’autre part, les signes précurseurs d’un esprit nouveau se cachent parfois sous les formes anciennes. Rien n’est plus faux que d’assimiler classicisme et culture moderne.
Afficher en entierL’idéal chevaleresque, avec sa teneur semi-religieuse, ne pouvait être vécu que par une époque capable de fermer les yeux aux plus impérieuses nécessités et de se laisser enchanter par les plus grandes illusions. La nouvelle société naissante exigeait que ces trop hautes aspirations fussent abandonnées. Le chevalier devient le gentilhomme français du XVIIe siècle, qui possède encore un assortiment de notions d’honneur et de préjugés de caste, mais ne se donne plus pour le défenseur de la foi, le protecteur des faibles. […] Ainsi, dans ses transformations successives, l’idéal tend à se conformer à une conception de la vie moins hyperbolique.
Afficher en entierEn général, l’homme moderne doit sa conception de l’Egypte, de la Grèce et du moyen âge beaucoup moins à la lecture qu’à la vue des monuments, en original ou en photographie. Le changement de nos idées sur le moyen âge est dû moins à un affaiblissement (toujours douteux) du sens romantique qu’à la substitution de l’appréciation artistique à l’appréciation intellectuelle.
Afficher en entierLa pensée cléricale de la fin du moyen âge ne connaissait, à l’endroit de la mort, que deux extrêmes : plainte sur la brièveté des choses terrestres, jubilation sur le salut de l’âme. Tous les sentiments intermédiaires restaient inexprimés. L’émotion se pétrifiait dans la représentation réaliste de la mort hideuse et menaçante.
Afficher en entierSi, pour inculquer la crainte et l’horreur, l’imagination dispose de ressources d’une richesse effrayante, l’expression des joies célestes, par contre, reste toujours extrêmement primitive et monotone. Le langage humain ne peut donner la vision du bonheur absolu. […] Le Seigneur est « supermisericordissimus, superdignissimus, superamabilissimus, supersplendidissimus, superomnipotens et supersapiens, supergloriosissimus ». A quoi bon accumuler les mots qui expriment la hauteur, la largeur, l’inépuisable et l’incommensurable ? On en reste toujours aux images, à la réduction de l’infini au fini, partant à l’affaiblissement du sentiment de l’absolu. Chaque sensation, en s’exprimant, perd sa force ; chaque propriété attribuée à Dieu lui dérobe un peu de sa redoutable majesté. Alors commence la lutte émouvante de l’esprit qui veut atteindre à la Divinité sans le secours des images.
Afficher en entierLa défaveur dont le jaune et le brun étaient l’objet provenait et du sentiment esthétique de l’époque et de la signification symbolique négative de ces deux couleurs. En d’autres termes, on n’aimait pas le brun et le jaune parce qu’on les trouvait laids et on leur accordait une signification défavorable, parce qu’on ne les aimait pas.
Afficher en entierAinsi naît l’allégorie. Elle n’est pas la même chose que le symbolisme. Celui-ci constate un rapport mystérieux entre deux idées, l’allégorie donne une forme visible à la conception de ce rapport. Le symbolisme est une fonction très profonde de l’esprit. L’allégorie est superficielle. Elle aide la pensée symbolique à s’exprimer mais elle la compromet en même temps en substituant une figure à une idée vivante. La force du symbole s’épuise dans l’allégorie.
Afficher en entierLe vœu chevaleresque peut avoir une signification religieuse et éthique, ce qui le met sur le même pied que le vœu religieux ; il peut être aussi de nature romanesque et amoureuse, et enfin, il est possible qu’il dégénère en un amusement courtois. Ces trois caractères sont encore, en fait, présent et unis ; le vœu est la consécration de la vie à un idéal sérieux ; il est aussi la raillerie qui se joue un peu du courage, de l’amour et des intérêts de l’Etat.
Afficher en entierQui a jamais passé ne fût-ce qu’un seul jour entièrement agréable dans sa jouissance…sans qu’au moins un regard ou un son ou quelque heurt l’air offensé ?
Afficher en entierA côté de ce romantisme de la chevalerie, on pourrait placer le romantisme de la sainteté, si l’on entendait par là le besoin de créer la représentation idéale d’une forme de vie déterminée. Il est remarquable que de tout temps, ce romantisme de la sainteté se soit plu davantage aux excès de l’humilité et de l’ascétisme qu’aux brillants exploits mis au service de la religion. L’Eglise a parfois canonisé les grands hommes d’action qui ont relevé ou assaini la culture religieuse, mais l’imagination populaire s’est attachée de tout temps au surnaturel et à l’extrême.
Afficher en entier