Commentaire de Khiad

Je voudrais tout d'abord commencer par remercier Didier Bloch pour sa confiance renouvelée et l'envoi de son roman au format papier.

Concernant la couverture, j'aime beaucoup. Elle est sombre et le personnage féminin (Janice durant sa jeunesse ?) est à la fois mis en valeur et dans l'ombre avec cette lumière jaune orangée qui vient à contre-jour. Cela crée une tension un peu angoissante qui nous met en condition.

Concernant la plume de Didier Bloch, j'ai pris plaisir à la retrouver, même si la fluidité de ma lecture a été un peu gênée par une concordance des temps assez inhabituelle. Le récit est au passé, mais l'auteur y insère du présent là où l'on a l'habitude de trouver de l'imparfait ainsi que du futur au lieu de l'habituel conditionnel. C'est assez déstabilisant, je dois l'avouer.

J'ai cependant aimé le point de vue annexe à celui de Clotaire, en fin de chapitre. Il ramène une dimension supplémentaire et intéressante.

Clotaire est ce que l'on peut appeler un vieux garçon. Ce cinquantenaire oisif vit à Saint-Maur, seul dans la maison dont il a hérité à la mort de ses parents. L'héritage étant plutôt conséquent et ayant tendance à fuir la foule et à préférer la solitude, il vit de sa rente et ne sort presque jamais de chez lui, installé dans sa petite routine, entre footing matinal, ménage et écriture d'un livre.

Mais, un matin, il va être perturbé par la trouvaille d'un long cheveu blanc sur sa gazinière. Comment est-il arrivé là alors qu'il vit seul et que les visiteurs sont plus que rares ? Ce cheveu va finir par l'obséder et encore plus lorsqu'il va en trouver un second, puis un troisième.

Les choses auraient pu s'arrêter là. Mais cela n'aurait pas été drôle. Clotaire doute peu à peu de sa santé mentale alors que des objets commencent à changer de place, sans qu'il se souvienne avoir fait quoi que ce soit.

C'est alors que l'impensable se produit et qu'il va faire la connaissance du fantôme de Janice, morte en 1899. Impossible de garder tout ça pour lui sans devenir fou, il va donc se confier à Cunégonde, Clarisse et Eustache, ses meilleurs amis. Si la première est plus pragmatique, les deux autres, qui forment un couple, sont des adeptes des séances spiritisme, qu'ils animent eux-mêmes. Cela ne les empêche pas de douter de la santé mentale de leur ami, ayant peur que la solitude lui pèse trop et qu'il s'invente, sous couvert d'histoire de fantôme, un "ami imaginaire" pour lui tenir compagnie.

Clotaire est-il fou ? Dans un certain sens, il est normal que ses amis demandent plus de preuves avant de pouvoir le croire, n'est-ce pas ? N'auriez-vous pas réagit de la même façon ? En tout cas, tous vont être témoins de choses qui sortent de l'ordinaire, parfois malgré eux. Leur mission désignée : aider Janice à sortir de cet entre-deux mondes où elle semble coincée. Mais cela sera-t-il si facile ?

Et que dire ce cette atmosphère sombre et oppressante qui pèse d'un coup sur la petite maison de Saint-Maur ? Janice est-elle vraiment inoffensive, ou bien n'est-elle pas la seule à hanter ces lieux ? La réponse à cette question pourrait bien changer la vie de Clotaire ainsi que celle de ses amis.

J'ai apprécié suivre les aventures de ce groupe d'amis, qui prouve que même si l'on se voit peu, une amitié véritable et durable ne disparait pas comme ça. Leur implication les uns envers les autres pour s'épauler et se soutenir est une très belle valeur de ce roman. Alors oui, il y a des doutes et des paroles maladroites, mais tout est fait pour protéger l'autre et le préserver au maximum.

L'histoire met un peu de temps à se mettre en place, le temps pour Clotaire de prouver à ses amis qu'il n'est pas fou. Puis, assez vite, elle devient plus tendue, plus sombre, plus angoissante, ce qui nous pousse à tourner les pages sans avoir envie de nous arrêter.

Un petit détail tout à fait personnel qui m'a dérangée, c'est l'omniprésence de l'alcool. Les personnages flemmardent, ils boivent. Ils mangent ensemble, ils boivent. L'un attend l'autre, il boit. Besoin de se remettre d'une émotion forte ? Allez, levons le coude ! Entre vodka, bière, vin, vieille prune... Il est dix heure du matin ? Bah, une petite bière ne fait pas de mal...

Je sais que c'est un ressenti tout à faire personnel, que ne buvant pas et ayant vécu avec des alcooliques (ce qui ne m'a pas laissé de bons souvenirs) je suis totalement partiale et pas du tout objective. Je sais que les protagonistes ne prennent pas cuite sur cuite, mais c'est un détail que je n'ai pas apprécié et je voulais le mentionner en passant. Voilà voilà.

Concernant la fin, je dois dire que je ne savais pas trop à quoi m'attendre et que je suis passée par mas mal d'émotions différentes. Je ne suis pas déçue, bien au contraire, même si j'aurais aimé revoir le père Éloi. La toute fin est plutôt émouvante.

En résumé, j'ai passé un bon moment entre les pages de ce livre. J'ai apprécié l'histoire et les personnages, ainsi que l'ambiance dont la tension monte crescendo. Juste un petit bémol pour la concordance des temps, ainsi que l'omniprésence de l'alcool, qui m'ont dérangée et ont rendu ma lecture un peu moins fluide. Cela n'en reste pas moins un avis personnel et ne doit en rien vous décourager à lire ce roman fantomatique, que je vous recommande.

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