Extraits

Mallock, tout en gambergeant, avait longé les jardins de l’Observatoire, célèbre pour avoir été le théâtre de l’une des lamentables mascarades d’un député arriviste, devenu plus tard président de la République.

« Entre Cyrano et Don Quichotte, Mallock était inadapté à son époque et à la terre toute entière. Il avait vu l’hypocrisie et le mensonge triompher, le discours des Justes devenir inaudible, mais il n’en continuait pas moins à se battre pour sauver les châteaux de sable de l’avancée des vagues. Grand empereur du paradoxe et roi de l’oxymore, Mallock conjurait dans un même cœur orgueil modeste, larmes et armes, tendre dureté, empathie et misanthropie … De toutes ces contradictions, par la grâce d’un ciment à base de mélancolie collante, il parvenait à faire un tout homogène, presque monolithique. On parle de jeunes espoirs ; Mallock, lui, c’était plutôt un vieux désespoir. » p.34

« Un flash ramena soudain son attention sur la route. Il releva le pied droit, ralentissant sa vitesse.

Trop tard, putain de radar !

Mais qu’est-ce que c’est que cette société de merde, se mit à grogner Mallock, où l’on ne pouvait plus roulet, manger, fumer ou travailler tant qu’on peut, et dire toutes les vérités qu’on veut, les mots qui nous viennent ? C’était quoi ce putain de purgatoire, où les Hommes, nivelés par le bas, ne vivaient plus qu’émasculés, assistés, assurés, botoxés, lobotomisés, loto-misés, liposucés, flashés ? Putain de vie molle, où on allait, queue baissée, autocensurés, à petits pas comptés, chercher ses recommandés ou les résultats dûment remboursés, de sa coloscopie !" p.252

Mallock était bien placé pour savoir que son propre pays n’avait pas de leçons à donner. (...) La justice démissionnaire ne se nourrissait plus que d’idéologie réchauffée, de laxisme vertueux et de confusion des genres.

En levant un peu la tête, on apercevait le vert effervescent des palmiers. Puis, encore plus haut, une troisième couleur, le bleu cobalt de la nuit piquée d'étoiles.

« Vers 19 heures, Amédée se décida à préparer son bar.

Après l’avoir vidé et rempli de branches de fenouil, de poivre en grains et de sel, il le poêla des deux côtés. Enveloppé dans du papier d’argent, il le laissa finir de cuire tandis qu’il s’ouvrait une bouteille de pouilly fumé. Après l’avoir déshabillé de sa carapace d’aluminium, il l’arrosa d’un mélange de vinaigre, de piment frais finement ciselé, d’huile d’olive et de fleur de sel. » P.278

Mais qu’est-ce que c’est que cette société de merde, se mit à grogner Mallock, où l’on ne pouvait plus rouler, manger, fumer ou travailler tant qu’on peut, et dire toutes les vérités qu’on veut, les mots qui nous viennent ? C’était quoi ce putain de purgatoire, où les Hommes, nivelés par le bas, ne vivaient plus qu’émasculés, assistés, assurés, botoxés, lobotomisés, loto-misés, liposucés, flashés ? Putain de vie molle, où on allait, queue baissée, autocensurés, à petits pas comptés, chercher ses recommandés ou les résultats, dûment remboursés, de sa coloscopie !

La haine allait être, durant les jours à venir, ma nouvelle maison, mon amie et mon enfant, et c'était bien ainsi.