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Si tu étais arrivé un jour en m’annonçant que tu avais quitté Angela, que jamais plus tu ne retournerais près d’elle, qu’elle ne t’intéressait plus, qu’elle ferait ce qu’elle voudrait, que tu ne lui donnerais plus d’argent parce qu’elle en gagnait suffisamment pour vivre, que tu ne la plaignais pas, que tu ne te sentais pas responsable de son sort – car tous ceux qui l’ont connue se sont toujours sentis responsables d’elle, d’une façon ou d’une autre –, alors, peut-être, t’aurais-je épousé. Mais je me serais tout de même réveillée la nuit et je t’aurais secoué pour que tu me dises à quoi tu rêvais. Car je sais, moi, qu’on n’oublie jamais rien.
Afficher en entierSais-tu seulement ce qu’est un bignonia ?
Père t’aurait donné son nom botanique ; moi aussi, je l’ai su, ça me reviendra. Si tu étais venu rue des Graviers, tu saurais à quoi ressemble un bignonia : un arbuste tortu, tenace, dont les fleurs ressemblent à des petits cors de chasse. Le jour où pour la première fois j’ai rendu visite à Angela, elle guettait mon arrivée, pendue à la grille de son jardin, une fleur de bignonia rouge entre les dents.
Afficher en entierEnfant, je me suis tue pendant de si longues années qu’il était trop tard, ensuite, pour apprendre à parler. Je ne sais que mentir ou me taire. Ma biographie est un mensonge. Ce qu’on dit de moi est un autre mensonge. Je mens avec tant de facilité que je pourrais en faire un métier. Quand j’ai compris que je ne parviendrais pas à énoncer la vérité, même à toi, j’ai su que rien ne pourrait me sauver.
Afficher en entierMon attitude m’était-elle dictée par la honte ? Par le remords ? Pourquoi son nom dans ta bouche me rendait-il à moitié folle ?
Afficher en entierAngela m’aimait. Elle aimait mes parents, notre maison, le rideau mauve de la cuisine, et jusqu’à mes chaussures au bout découpé qu’elle voulut essayer. Son attachement pour moi était aussi instinctif que ma répulsion pour elle.
Afficher en entierLorsque tu commenças à t’intéresser à moi, je t’observai et j’attendis : le moment où se révélerait qu’en me rendant service tu fuyais devant une responsabilité, tu espérais quelque chose, tu payais d’avance, ou que tu cherchais à réparer quelque faute, toi aussi. Tes premiers cadeaux, que je reçus avec des larmes aux yeux et des remerciements attendris, je les jetai aux ordures.
Afficher en entierJ'aurais aimé que tu perçoives tout de moi, sans avoir à parler, mais au plus profond de moi, bruissants et rouillés, les mots commençaient pourtant leur lente ascension.
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