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- Ce que je voudrais, Brodeck, c'est comprendre. On ne comprend jamais rien, ou si peu... Les hommes sont paresseux, ils veulent se remplir l'estomac, boire, s'agiter entre les cuisses des femmes, dormir... ils font la guerre quand on le leur demande et meurent avec la certitude imbécile que quelque chose les attends... Mais ils ne veulent pas comprendre, ils veulent éviter les maux de tête. Moi, depuis tout petit, j'aime les questions et les chemins qu'elles nous font prendre. Les réponses sont sans importance, Brodeck, c'est arpenter le chemin qui est satisfaisant pour l'Homme... être capable de dire : "j'ai avancé".
Afficher en entierLe prêtre : La guerre c'est le triomphe du médiocre... Le criminel reçoit l'auréole du saint et on se prosterne, on acclame... Faut-il que la vie paraisse si monotone aux hommes qu'ils lui préfèrent la ruine!
Afficher en entierÀ qui tu t’es confié Brodeck ? À l’homme ou à ce qui reste du prêtre ?
Si je te pose la question, c’est justement parce que ce n’est pas la même chose du tout.
Je sais que tu ne crois plus en Dieu, Brodeck, depuis ton retour de... du...
Comme tu as été honnête avec moi, je vais faire de même...
Moi non plus je n’y crois plus.
Longtemps, je lui ai parlé, j’ai suivi ses pas... Parfois même, il semblait me répondre, par des pensées, des gestes qui me venaient... Il m’inspirait. Puis tout s’est arrêté.
Aujourd’hui, je sais... Nous sommes seuls, voilà tout.
Si j’entretiens encore la boutique, c’est uniquement pour quelques vieilles âmes qui seraient encore bien plus seules si je laissais tomber le spectacle.
Il y a pourtant un principe que je n’ai jamais renié... Le secret de la confession.
C’est ma croix, et je la porterai jusqu’à la fin.
Je sais tout, Brodeck... Tout.
Et tu ne peux même pas imaginer ce que « tout » signifie...
Les hommes sont plus pervers que les pires bêtes sauvages...
Ils commettent le pire si facilement, puis sont incapables de vivre avec la vérité de leurs actes ! Leurs souvenirs, Brodeck, ceux cachés tout au fond, bien au chaud, ils ne mentent pas.
Alors, ils viennent me voir parce qu’ils pensent que je peux les soulager, et ils me parlent...
Ils me disent tout.
Je suis celui dans le cerveau duquel ils déversent toutes leurs sanies, leurs ordures, pour s’alléger...
Puis ils repartent, tout propres, prêts à recommencer à la première occasion.
Je suis l’égout, Brodeck.
Ils savent que l’égout ne parlera jamais de rien à personne... ça leur permet de dormir tranquilles.
Moi, je déborde sous le trop-plein, ça me pourrit l’espoir, leurs secrets...
Je crèverai sous le fardeau dégueulasse qu’ils m’ont confié, c’est sûr... Et ça me terrifie.
Afficher en entierJe suis le seul innocent parmi tous.Le seul.
En écrivant ces mots je comprends soudain le danger que cela représente,d'être innocent au milieu des coupables...
C'est,en somme, très proche d'être seul coupable parmi les innocents.
Afficher en entier-Comment que tu t'appelles?
-Brodeck.
-Regarde bien ton village,Brodeck.Tu viens de là,et tu n'y retourneras plus car bientôt,il ne restera rien de lui.
-Ouvre grand tes yeux.
Afficher en entier- Ne te méprends pas Brodeck... Ceux-là sont de vrais fauves. Ils ressemblent peut-être à des baleines, mais ce sont des fauves. Sans cœur, sans esprit, sans mémoire. Il n'y a que leur ventre qui compte. Toute leur vie est tendue vers un seul objectif : Le remplir. Ils pourraient avaler leurs propres frères, déchirer leur propre chair, que ça ne les dérangerait pas... Ils broient, avalent, chient, indéfiniment. Et ils ne sont jamais rassasiés. Ils mangent de tout, Brodeck, sans jamais se poser de questions... De tout. Comprends-tu ce que je dis Brodeck ? Ils ne pensent pas à eux... Ils ne connaissent ni le remord, ni le passé... Ils se contentent de vivre... Ne penses-tu pas que ce sont eux qui ont raison ?
Afficher en entierSon vrai nom, on ne le connaîtra jamais. Je suppose que, pour certains c'est mieux ainsi. Un homme sans nom n'est pas un homme.
Afficher en entierSi cette confession ressemble finalement à un monstre, complexe et mystérieux, c'est qu'elle est à l'image de ma vie.
Afficher en entierOn m'a enfermé dans un camp,si loin que je ne reconnaissais plus les arbres ni les oiseaux.
J'y suis resté deux longues années.
C'est là-bas qu'un vide profond s'est fait dans ma vie.Je le nomme Kazerskwir,"le cratère".
Afficher en entier- Je vais raconter... Je vais essayer. Je dirai "je", comme pour mes rapports, parce que je ne sais pas raconter autrement mais je vous préviens, ça voudra dire "tout le monde"... Le village, tous les hameaux autour... Les riches, les pauvres, les jeunes, les anciens... Nous tous, quoi.
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