Extraits

D’abord on n’y croit pas, impossible d’être privée de ses fonctions élémentaires, de son autonomie de base, de son indépendance.

Ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible, cela ne va pas durer, ce n’est pas moi.

Même pas inquiète du diagnostic des médecins, c’est un test, un essai, un passage, un mauvais feuilleton transitoire.

Je n’ai pas du courage, j’ai du déni, un déni si fort, si certain que le dire médical ne m’atteint pas.

La fatigue, le choc, les médicaments, je n’ai d’abord pas compris ce qu’on m’a annoncé, puis j’ai compati à cette histoire d’une autre que l’on me racontait.

La sève en moi s’est peu à peu tarie, mes désirs se sont évanouis sans que j’y prenne garde, des excroissances se sont formées en moi, très possessives, créant un enfer d’illusions, de fausses routes, de chemins pervertis, de pensées factices et de postures illusoires.

Je ne suis pas sûre de grand-chose, mais je ne pense pas pour autant qu’on doive anesthésier et opérer, sans s’en préoccuper plus avant, quelqu’un en crise de panique qui vient de se chier dessous. A minima, on lui parle, on la rassure, et on prévient quand même le chirurgien. Ça n’aurait peut-être rien changé, mais cela ne me laisserait pas un goût de cendre dans la bouche.

Je suis debout, même mal. Pour d’autres, c’est le fauteuil à vie, dans le meilleur des cas. Et ceux-là, certains ont plus de dignité, plus de courage, plus de cran, plus de joie, que je n’en ai dans mon petit doigt. Ils m’épatent, je les admire. 

Ce n’est pas le malade qui est pestiféré, c’est l’impuissance à laquelle il nous renvoie, la nôtre. Ce n’est pas le malade qui est étranger, c’est une façon de tenir à bout de gaffe la menace de la maladie et de la mort qui nous guettent.

Détendez-vous. On va vous saigner, vous injecter, vous sonder, vous dé-sonder, peut-être vous dessouder, vous intuber, vous dés-intuber, vous scanner, vous échographier. On doit vous pincer, vous taper, vous mettre le doigt dans le cul, vous piquer, et vous repincer, retaper, remettre et repiquer. Détendez-vous…