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Au fil de sa lecture, il se sentait de plus en plus proche de ces indignés. Quelques rares médias daignaient parler d’eux, alors que, depuis quelques semaines, tous les centres-villes de France étaient plus ou moins occupés par ces militants d’un genre nouveau, rejetant la démocratie telle qu’il la vivait aujourd’hui, alternance élue, de pire et de « moins pire ».
Afficher en entierDes mots qui avaient conduit dans la rue une foule de citoyens semblables à lui. Loin de la quinzaine d’individus du début, peut-être y avait-il, en ce lieu, mille ou deux mille personnes à présent. Difficile de juger, dans ce campement de fortune où régnait un calme étrange à peine troublé, çà et là, par quelques percussionnistes. Il avait la sensation d’entrer dans une fourmilière studieuse où chacun semblait à sa place, à sa tâche, nulle part le moindre éclat de voix, le moindre ordre vociféré. Sur une allée, deux jeunes gens portant un brassard vert, un sac poubelle à la main, ramassaient les rares papiers qui traînaient.
Afficher en entierL’agora avait disparu sous un entrelac de tentes et de bâches multicolores tendues par des cordes que de grosses pierres amarraient. Partout sur des cartons au sol ou collés sur des palettes, s’étalaient des mots incroyables, des phrases qui enfin lui parlaient :
— Nos rêves ne tiennent pas dans vos urnes
— Ce que nous vivons, ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie !
— Nous n’avons pas de maison, nous restons sur la place
Afficher en entierC’était le titre du tract que lui avait donné Betty et qui traînait sur sa table de nuit. Il le relut puis l’envie de la rejoindre sur la place s’imposa. Pourtant, quelle probabilité avait-il de la retrouver ? Fallait-il qu’il soit naïf pour imaginer que la poignée d’indignés de la place antique fut encore là ?
Afficher en entierIl avait vaguement entendu parler du mouvement des indignés en Espagne au travers de quelques images furtives sur une ou deux chaînes de télévision.
Il se retourna vers la jeune femme, elle lui sourit la clope au bec et lui tendit un tract.
Afficher en entierBrune, un béret noir sur la tête, elle était concentrée sur la cigarette qu’elle se roulait. Le peu qu’il distinguait de son visage paraissait agréable. Il ne pouvait lui donner d’âge, la rue rend les traits graves et la peau ridée avant l’heure. Devant lui et à ses pieds, des affiches étaient collées. Il pouvait y lire : « TOMA LA CALLE » ou « BASTA YA ! » ou « INDIGNE-VOUS ! ».
Afficher en entierBob s’était assis à côté d’elle, plutôt à côté de son chien, sur un banc de pierre devant un monument antique. Il ne l’avait pas remarquée, perdu dans ses pensées.
Afficher en entierEn Espagne vingt milles indignados ont occupé la place Puerta del sol pendant plus d’un mois en 2011. Dans leur sillage, en Grèce, sur la place Syntagma, ils étaient plusieurs dizaines de milliers. En Italie, au Portugal, en Belgique, en France, la même année de petits campements occupaient çà et là les places des grandes villes. Tous réclamaient une démocratie directe, une réelle démocratie et l’appliquaient dans leurs assemblées.
Afficher en entierGrondements et mugissements, la ville vit sous le capot des voitures, dans le ronron entêtant des climatiseurs, dans la puanteur des hydrocarbures. C’est quand tu n’as vraiment plus rien à faire que tu prends conscience que la rue ne produit plus que du bruit et des fumées. Les gens se croisent, ne se voient pas. Ils entrent et sortent des magasins, échangent deux mots avec un vendeur, puis trois avec le suivant, c’est bien assez pour acheter, acheter, acheter…
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