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—Cela paraît tellement intime, avait commenté
Isabella. Faire cela avec un homme.
—Pour être intime, ça l'est, avait admis Elizabeth. En fait, il n'y a rien de plus intime. Mais crois-moi, ça ne se réduit pas à ce que tu as vu en découvrant ce misérable Saint-Clive à la fête. C'est beaucoup, beaucoup plus que cela. Quand il s'agit de l'homme avec qui tu dois passer ta vie, c'est l'expérience la plus naturelle, la plus évidente et la plus belle qu'une femme puisse vivre.
—Mais comment peux-tu savoir, Bess ? Comment savoir qu'on a trouvé l'homme qui nous convient? On ne peut pas dire que les ménages heureux courent les rues. Regarde les amis de nos parents. Il y en a autant d'heureux que de malheureux. Toi-même quand tu as vu Douglas pour la première fois, tu ne te doutais pas que c'était le bon. Si je me souviens bien, tu l'as pris pour un fermier obtus...
—Bella, je t'en prie, ne me le rappelle pas. C'est moi qui étais idiote.
—Mais c'est toi qui l'as trouvé, Bess. Dans des circonstances presque incroyables, tu as déniché celui qui t'était destiné. Tu fais partie de celles qui ont de la chance. Tu en as toujours eu.
—Et tu en auras, toi aussi, avait assuré Elizabeth en
étreignant la main d'Isabella.
Toi aussi...
—Bella? Bella, chérie?
La voix qui provenait de l'intérieur de la maison arracha Isabella à ses pensées.
—Bella, tu es là?
Isabella se tourna vers la porte. Elle se rendit alors compte qu'elle avait les yeux humides de larmes.
Elle les essuya en hâte et se redressa.
—Oui, ma tante, répondit-elle. Je suis ici. Dans le jardin.
En réponse, elle perçut un froissement de brocart.
—Ah, tu es là !
Lady Idonia Fenwycke était la sœur aînée du père d'Isabella, mais hormis la rondeur du visage et le menton volontaire, ils ne se ressemblaient pas du tout. Ces traits, qui contribuaient à rendre son père plus imposant, plus ducal, donnaient à sa tante un air hommasse qui contrastait avec sa petite taille et la touffe de cheveux blancs frisottants qui sortait de sous son bonnet telle une queue de lapin.
Quelque peu écervelée (Elizabeth la qualifiait aussi de « bornée »), lady Idonia avait donc accompagné sa nièce à Paris, lui rebattant les oreilles de son précédent séjour dans la capitale française lorsque son mari, lord Fenwycke, était encore de ce monde, pendant le règne de
Louis XIV, le Roi-Soleil.
Elle se croyait parfois revenue à cette époque.
—Tiens, chérie, fit-elle en tendant à Isabella un parchemin plié et scellé. Ceci vient d'arriver pour toi.
Isabella prit la lettre et reconnut immédiatement l'écriture de sa mère.
—Elle vient de Drayton Hall, remarqua-t-elle, troublée.
La duchesse avait promis de lui écrire avant qu'elle ne quitte Paris pour lui faire savoir quel mari ils lui avaient choisi. Elle devait préciser son nom, son rang et tout ce qu'elle savait de lui, afin qu'Isabella profite des quelques jours que durerait le voyage de retour pour
étudier leur choix.
Comme la lettre n'était pas arrivée durant les semaines précédentes et que Catherine n'en avait fait mention dans aucune de ses missives, Isabella en avait déduit que le duc et la duchesse n'avaient trouvé aucun parti possible.
Jusqu'à présent.
En retournant la lettre pour en briser le sceau,
Isabella songea qu'une fois qu'elle l'aurait lue, sa vie ne serait plus jamais la même.
Elle hésitait donc, fixant le sceau qui représentait les armoiries de la famille, comme s'il s'agissait de la boîte de Pandore.
—Tu ne vas pas l'ouvrir, ma chérie ?
—Quoi ? fit Isabella en levant la tête.
—La lettre, chérie. Tu vas la lire ?
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