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Mais la Ligne, qu’est-ce qu’elle en a à faire ? Qu’est-ce qu’elle a
à faire d’un homme fini ? Parce que c’est un homme fini. On ne pourra jamais le guérir, le corriger, il a changé de façon organique, il est devenu quelqu’un d’autre. Il a des fleurs à la place des yeux, des nageoires à la place des mains, et à la place du cœur, un roulement à billes… C’est un étranger.
Afficher en entierSeulement toi, tu ne crois ni à Dieu ni à diable, tu as ton train. Le train zéro. Tu te moques de savoir d’où il vient, où il va, s’il est utile ou non, s’il existe encore ou si ça fait longtemps qu’il a disparu. Pour toi, le monde est toujours debout tant que ton train passe. Le train zéro.
Afficher en entierL’orphelinat. La nourriture, les vêtements et le reste, c’était la Patrie. Le lever à heures fixes, c’était la Patrie. Les lumières de l’instruction, c’était la Patrie. Les ordres, encore la Patrie. La peine de mort si on ne les exécutait pas, toujours la Patrie.
Afficher en entierSon père avait tué sa mère d’une balle dans la tempe, puis il s’était tiré lui-même une balle dans la tempe, laissant son fils seul face à cette vie incompréhensible. Il avait trahi son fils. Il l’avait livré aux mains d’étrangers qui, pris tous ensemble, s’appelaient la Patrie. La Patrie, c’était les autres. C’était pour ça qu’elle était terrible, incompréhensible, et sacrée.
Afficher en entierIl connaissait mal ses parents, mais pas parce qu’il ne les aimait pas : son père passait tout son temps en mission, et sa mère à
servir le régime. Leur domestique Oulia, une paysanne maigrelette et délurée, lui tenait lieu de famille.
Afficher en entierIvan ne disait rien. Il avait dix ans quand, sous ses yeux, son père avait tiré sur sa femme, la mère d’Ivan, puis s’était suicidé. Le petit garçon avait passé plusieurs heures seul dans l’appartement, caché dans le garde-manger derrière la cuisine, c’était là que l’avaient trouvé d’anciens collègues de son père, des tchékistes
Afficher en entierImpossible de se rappeler, le souvenir de leurs visages s’était estompé, effacé, comme sur une pièce de monnaie, d’ailleurs qu’est-ce qu’on en avait à faire, de ces gens et de leur souvenir ?
Afficher en entier« Les Juifs s’en vont ! » cria-t-il dans le vide sonore de la maison et, ayant attendu en vain une réponse, il retourna à la fenêtre. « Les Juifs s’en vont toujours. Il n’y a que des idiots comme nous pour rester ! »
Afficher en entierTu as peur de la vie, c’est ça ? Ou alors tu attends une autre vie ? Mais il n’y en aura pas d’autre…
Afficher en entier- Compris. Il y a des gens qu’il est impossible de mettre à genoux pour une bonne raison : ils ont toujours été à genoux.
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