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Qu’est-ce qu’elle a voulu dire, tu penses ? demande une voix. C’est Chloé qui s’est approchée. Autour des deux détectives, les manifestants s’éparpillent déjà, curieusement sereins, comme satisfaits de s’être tant défoulés. — Aucune idée, répond Pierre en réajustant son veston. Tous deux observent le fourgon s’éloigner sur le boulevard
Afficher en entierLa détective, qui observe Nadeau avec intensité, ne bouge pas, comme si elle n’avait pas entendu. Pierre répète sa phrase et Chloé, qui réagit enfin, approuve de la tête et suit Pierre. — Je pensais à Nadeau, s’excuse-t-elle. Qu’est-ce qui a bien pu la pousser à commettre un tel geste
Afficher en entierQuand j’écoute la télé, c’est pour relaxer après une dure journée de travail, pas pour trouver un sens à la vie. Il s’est dit que cette réponse boucherait Chloé. Mais, à sa grande surprise, la jeune femme a éclaté de rire. — Tu penses que j’écoute la télévision pour trouver un sens à la vie ? Moi aussi, le soir, je suis crevée ! Pierre a remarqué la musicalité des éclats de rire de sa collègue, comme s’ils étaient autant de manifestations de sa joie de vivre
Afficher en entierL'extraordinaire, par définition, ne peut se prolonger dans le temps. Le quotidien l'érode, à coups de répétitions qui lui arrachent une couche de vernis à chaque passage, jusqu'à faire disparaître ses cinq premières lettres.
Afficher en entierLe détective, alarmé, s'était approché, avait pris la main soudain tremblante de son père et ce dernier, si terrorisé qu'il ne réalisait même pas la présence de son fils, avait articulé d'une voix brisée par la détresse:
-Mon Dieu! C'est fini! Et il ne s'est rien passé...
Rien!
Et il était mort, ses yeux figés dans une abominable révélation qu'il était le seul à avoir vue.
Pierre n'a jamais répété les derniers mots de son père à personne, pas même à sa mère.
Afficher en entierFerland hoche la tête. Il a l’air vraiment intéressé, et pourtant Pierre ne sent chez lui aucune réelle empathie, contraste qui déroute quelque peu le détective. — Mais, bon, je me raisonne pis je me dis qu’au fond, peut-être que ça aurait rien changé. Où je veux en venir, docteur, c’est que… — Je ne suis pas docteur. — Vous dites tous ça ! On vous appelle comment, alors ? — Frédéric sera parfait. Pierre n’a pas l’air convaincu : il se voit mal appeler son psychologue par son prénom. — Où je veux en venir, c’est que la culpabilité est pas vraiment le problème. Le problème, c’est que je pleure souvent, j’arrête pas de revoir les images du massacre pis… C’est épuisant moralement et ça m’empêche de… de travailler, de fonctionner.
Afficher en entierIl se leva et alla à la grande fenêtre. Il contempla l’immense parc, la grille d’entrée tout au bout, à peine visible. Au-delà, la route, puis plus bas, la ville, avec tous ces gens. Plus loin, d’autres villes, d’autres gens, tous pareils ou à peu près… Et il y en aurait un, parmi eux, qui aurait entrevu ce que lui-même voyait depuis si longtemps ? Comme moi… Maxime émit un petit claquement de langue, comme pour se convaincre qu’il divaguait. Mais le doute avait creusé son nid, il y penserait sans arrêt maintenant, il le savait. Il revint à son bureau et, en demeurant debout, prit le rapport pour lire le paragraphe d’identification : Frédéric Ferland, psychologue, Saint-Bruno. Il sentit que cette nuit-là, il ne trouverait pas facilement le sommeil.
Afficher en entierIl s’installa sur sa chaise et commença à lire les rapports de l’impressionnante pile. Le premier fut éliminé en quinze secondes à cause de la banalité de sa demande (le gars voulait baiser dans un ascenseur de la Place-Ville-Marie ! Qu’il le fasse, c’est tout !). Il déposa le rapport dans la boîte de carton, avec les autres rejetés. Le second fut lu et étudié en quatre minutes : un homme voulait descendre en patins à roulettes le mât du Stade olympique. Il inscrivit sur la première page « catégorie B » et le mit de côté : il s’agissait là d’un concurrent potentiel pour l’émission. Le troisième retint l’attention de Maxime pendant six ou sept minutes. Le rêve de la fille en question était de trouver l’amour de sa vie. Elle avait trente-huit ans, était obèse, inhibée et sans instruction, n’avait jamais embrassé un homme de sa vie.
Afficher en entierCette idée le ramena sept ans en arrière, lorsqu’il se tenait debout devant le cadavre de son père, tandis que tout le monde autour (Masina, les journalistes, la maîtresse de son père) jouaient le jeu. Lui aussi jouait, maintenant. Mais dans un but tout à fait différent. Tout de même, cette immense maison lui faisait encore plus réaliser à quel point il était seul dans ce projet. Il y avait Gabriel, bien sûr, mais il ne pouvait communiquer avec lui. Une fois de plus, Maxime regretta de n’avoir personne avec qui partager, quelqu’un à qui il aurait pu raconter sa vie afin qu’on comprenne ses motivations, quelqu’un qui l’aurait appuyé et approuvé, qui aurait été une sorte de consolation, la preuve que Maxime n’était pas le seul à voir. Une pâle mais tangible étoile dans cette nuit d’encre.
Afficher en entierSi Chloé entendait cette entrevue, se dit Pierre, elle serait sûrement découragée. Du moins, c’est ce que croit le policier à la lumière de sa discussion avec sa collègue l’autre soir. Eh oui : il a fini par accepter d’aller prendre un verre avec elle, il y a deux jours. Rien de sérieux, juste une manière de conclure agréablement leur première enquête ensemble. Chloé était habillée d’un short en jeans et d’un t-shirt rouge, comme pour bien marquer qu’il s’agissait d’une sortie non professionnelle.
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