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Hélène baissa la tête. Il avait été prévu qu’on se quitterait sitôt arrivés afin de limiter de trop douloureuses effusions. Elle s’approcha de son frère, appliqua quatre baisers sur ses joues comme le veut la tradition en Normandie, murmura : « Prends bien soin de toi, petit frère », puis, enlaçant son mari, elle posa ses lèvres sur les siennes. Des larmes coulaient sur sa figure sans qu’elle cherchât à les retenir.
— Je t’aime, souffla-t-elle dans l’oreille de Louis, prends garde aux balles !
Il se voulut rassurant :
— Ne t’inquiète pas. La guerre n’est pas éternelle, et puis il y aura les permissions !
Afficher en entierLe soir tombait. Louis abandonna le fauteuil dans lequel il relisait les nouvelles des derniers Moniteur du Calvados, de l’Orne et de la Manche, et il se dirigea vers la fenêtre de la salle à manger du logement de fonction où il résidait. Situé entre la mairie et l’école des garçons, celui-ci lui permettait de regarder, à travers le feuillage des tilleuls alignés le long du trottoir de la grande rue, la Halle et une partie de la place du bourg. Il demeura là un moment à contempler la circulation. Des gens s’attardaient devant les fontaines ou les commerces pour disserter sur les derniers événements.
Hélène avait rejoint Louis. La tête posée sur son épaule, un bras enroulé sur les hanches de son époux, elle soupirait longuement en songeant aux heures sombres à venir.
Afficher en entierLa période des moissons était arrivée. Une agréable chaleur, rendue insupportable par le rude labeur qui collait les chemises des hommes sur leurs dos, éclairait la campagne environnante.
Ils étaient là une douzaine de paysans, en cette matinée du samedi 1er août 1914, accourus de trois fermes du Bosq, quartier situé dans le village de Cheux en Normandie, entourés de quelques femmes et d’enfants venus les seconder ou leur apporter collation et rafraîchissements.
L’heure était à l’ouvrage mais aussi au rire. Car on était heureux de manger et travailler, de se retrouver ensemble et, entre deux efforts, de se désaltérer en savourant une moque de gros ber’1 que l’on avait mise au frais dans une auge d’eau en pierre, mussée à l’ombre d’une haie.
Les uns coupaient le blé à l’aide d’un fauchon2, d’autres les suivaient avec une faucille, prélevant les tiges coupées pour les rassembler en javelles couchées à même le sol. Une fois séchées, elles seraient regroupées en gerbes dressées en moyette avant d’être chargées dans les charrettes.
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