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Le bleu du ciel, le blanc des nuages, le vert frémissant et les poissons irisés. elle découvrait un monde merveilleux, d'une beauté à couper le souffle, dont elle n'avait jamais entendu parler, qu'elle n'avait même jamais imaginé. En un rien de temps, les nuages de pluie à ses pieds s'étaient dispersés, avaient entièrement disparu, et maintenant, l'immensité de Tokyo s'étendait à perte de vue sous ses yeux. Chaque immeuble, chaque véhicule, chaque vitre brillait au soleil et renvoyait son éclat comme un hymne à la lumière solaire. La ville semblait renaître, toute propre, fraîchement lavée par la pluie, pendant qu'elle descendait lentement, portée par le vent. Peu à peu, elle s'était gagnée par une étrange sensation dans tout son corps : celle de faire partie de ce monde, de lui appartenir. Elle le savait sans pouvoir l'expliquer, c'était une sensation d'avant les mots, d'avant toute parole. Elle était le vent, l'eau, le ciel. Elle était le bleu, le blanc. Elle était le cœur et la prière. Une tristesse et un bonheur indicibles s'étaient répandus dans son corps, puis elle avait perdu conscience comme lorsque l'on s'enfonce dans un futon moelleux...

* * *

- Ce paysage. Ce que j'ai vu n'était peut-être qu'un rêve... m'a-t-elle dit ensuite.

Eh bien, non, ce n'était pas un rêve. Maintenant, nous savons que ce n'était pas un rêve. Après cela, nous l'avons revu ensemble. Le monde dans le ciel que personne n'a jamais vu.

Pendant cet été que j'ai passé avec elle.

Tous les deux, dans le ciel au-dessus de Tokyo, nous avons vraiment, complètement, radicalement, changé le monde.

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Elle restait assise sur un tabouret rond à son chevet, la main osseuse de sa mère dans la sienne. elle gardait les yeux fixés sur la buée du masque à oxygène appliqué en permanence sur le visage de la malade, sur ses cils toujours fermés. Écrasée d’angoisse, elle ne cessait pourtant de prier. Pourvu que Maman se réveille, que le vent souffle fort, comme un super-héros qui est toujours là quand on a besoin de lui, et se charge de repousser très loin les nuages de pluie, les idées sombres et les angoisses, tout ce qui est lourd et noir, et qu'on puisse encore se promener tous les trois en riant sous le ciel bleu...

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La pluie s'abîme à l'infini dans les flots noirs qui ondulent comme une respiration. On dirait que le ciel et la mer conspirent ensemble, un peu comme si le ciel suggérait à la mer de faire une grosse bêtise. Ça a de quoi faire peur. Des frissons montent en moi très loin, très profond. des frissons tellement forts que j'ai l'impression que je vais me briser en mille morceaux.

Il faut que je me retienne au bastingage de toutes mes forces pour ne pas m'effondrer. Je respire par le nez, je prends une profonde inspiration. Et, comme toujours dans ces cas-là, je pense à elle. Ses grands yeux noirs, son expression si mouvante, si souple, le ton de sa voix versatile, ses deux longues couettes sur le côté.

Alors tout ira bien. Elle existe. Elle vit, elle est à Tokyo.

Tant quelle existe, quelque chose me rattache au monde, plus solidement que toutes les déprimes.

- C'est pour cela qu'il ne faut pas pleurer, Hodaka, d'accord ?

C'est ce qu'elle m'a dit cette fameuse nuit, dans l’hôtel d'Ikebukuro où nous avions trouvé refuge. Le bruit de la pluie sur le toit ressemblait à celui d'un orchestre de tambours traditionnels dans le lointain. La même odeur de shampoing, sa voix si douce qui semblait tout m'autoriser, tout me pardonner, sa peau pâle qui luisait dans le noir. C'est encore si vif en moi que l'espace d'un instant, j'ai le sentiment d'être là-bas. nous sommes encore dans cette chambre d'hôtel et si ça se trouve, c'est mon moi futur que je vois en imagination sur ce ferry, comme un déjà-vu. La cérémonie de remise des diplômes d'hier, ce ferry, tout cela n'est qu'une illusion; en réalité, mon vrai moi est encore sur le lit, dans cet hôtel. et le matin, quand j'ouvrirai les yeux, la pluie aura cessé. Elle sera à mes côtés et le monde n'aura pas changé, la même journée se reproduira. c'est peut-être ça. Ça doit être ça.

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Je ne m'entends plus crier tellement le grondement est assourdissant. Ce qui a tout pour me réjouir. Ma tête, mes vêtements, s'alourdissent vite du poids de l'eau. Même l'intérieur de mes poumons se remplit d'humidité. Je me mets à courir sans réfléchir. Je saute en l'air comme si je voulais atteindre le ciel en plongeant tête la première. Je tourne sur moi-même les bras écartés, comme pour créer un tourbillon. Je bois la pluie, la bouche grand ouverte. Je cours partout comme un fou et je crie de tout mon corps et de toute mon âme tous les mots que je gardais enfermés jusque-là dans mon cœur. Ils sont alors complètement lavés, nettoyés, propres et purs. Personne ne peut les voir, personne ne peut les entendre. Une boule chaude remonte dans ma poitrine. Il m'a fallu une demi-journée depuis que je me suis évadé de l'île pour avoir enfin le sentiment que je suis libre, pleinement libre.

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