Commentaire de Kiki1744

« Ces mal- aimés » ce sont à première vue ces enfants du bagne qui domine le bourg et qui a fermé il y a dix sept ans. Mais c’est aussi, tous ces jeunes commis de ferme, exploités et battus, à peine nourris, moins bien traités que les animaux dont ils s'occupent. Parmi eux, il y a Blanche, abusée par son oncle et Etienne, malmené par le dur paysan Léon qui l’emploie.

« Ces mal- aimés » c’est tout le monde car bon nombre de paysans ont travaillé au bagne pour éviter de mourir de faim même s’ils ont l’illusion qu’un jour la ferme les nourrira. C’est encore eux que le malheur commence à frapper comme une vengeance de ces petits êtres, pour la plupart décédés très tôt et qui viennent hanter la mauvaise conscience et les souvenirs funestes. Ne rien dire mais tout le monde sait et tous sont de connivence et complices.

Chaque chapitre s'ouvre sur un extrait des registres d'écrou de la maison d'éducation surveillée de Vailhauquès, dans l'Hérault : sinistre égrenage des entrées et des sorties, sorties pour le cimetière qui hante tant les villageois. C'est quasiment le seul mais lancinant élément factuel descriptif de cette prison : le reste nous est donné au travers de la mémoire et des remords des hommes et femmes qui y ont travaillé et se sont fait complices des atrocités commises.

En fait, ce n’est pas tant les remords qui semblent torturer cette communauté villageoise qui vt dans des conditions rudes mais bien le châtiment divin, plus précisément celui du diable qui jette son dévolu sur les terres qui ne produisent plus, sur les animaux qui meurent, sur les fermes qui brûlent, sur le temps trop froid l’hiver, trop sec l’été ; les accidents.

On voit toute cette communauté agitée à survivre et l’auteur les décrit en nous faisant part de leurs réflexions, de leur état d’esprit. Les « mal aimés » ne sont-ils pas ces gens là qui ont du mal à s’aimer eux-mêmes.

Un roman noir et dramatique qui met le doigt sur les conditions sociales et les mécanismes humains qui ont permis l'existence de ces bagnes. Tout en sortant de l'oubli le sort dramatique de tous ces enfants rejetés par la société, ce roman plonge le lecteur au fond du désespoir et de la misère, dans les méandres de l'âme humaine dont il explore avec justesse les dilemmes et les lâchetés.