Ajouter un extrait
Liste des extraits
Le crachat s’écrase dans le caniveau, à côté d’une bouse de cavalin encore fraîche.
« Je suis trèèèès sérieuse, lance la petite fille aux cheveux roux. Il faut aaaabsolument qu’on fasse quelque chose.
— Tsss ! C’que tu veux dire, c’est qu’il faut aaaabsolument que je fasse quelque chose pour toi ! » répond la petite fille aux cheveux blonds.
Les deux gamines sont assises sur le rebord de la fontaine de la place Monpreveaux, à la limite extérieure des quartiers ouest de Mirinèce. Leurs pieds noirs de crasse, chaussés des mêmes sandales bon marché, se balancent en rythme avec le clapotis de l’eau qui ruisselle derrière elles. C’est l’été, et bien qu’il ne soit que dix heures, la chaleur est déjà étouffante. Quelques mètres devant elles, l’ombre de la route suspendue forme un abri contre le soleil, abri qu’elles dédaignent noblement, les joues rouges de chaleur et les mains giflant de temps en temps la surface de l’eau.
La petite fille aux cheveux blonds renifle un grand coup et crache un nouveau jet morveux aussi loin qu’elle peut, c’est-à-dire assez près. La petite fille aux cheveux roux va chercher au plus profond de sa gorge et l’imite. Elle crache plus loin.
« Non, vraiment, je veux dire toutes les deux. Je m’ennuie troooop… Je déteste les vacances.
— Arrête d’allonger les mots comme ça, c’est nul.
— C’est à l’école qu’on le fait tous. »
La petite fille aux cheveux blonds frappe la surface de l’eau avec un ricanement méprisant. La petite fille aux cheveux roux donne elle aussi un coup dans l’eau, pour arroser le haut du pantalon et le bas du corsage de son amie, qui se lève d’un bond avec un petit cri aigu.
« Bâtarde ! J’suis toute mouillée !
— C’est parce que t’as fait ton regard “je-déteste-tout-c’que-t’aimes”, répond la petite fille aux cheveux roux.
— J’ai pas un regard comme ça !
— Mon cul !
— Est plus gros que le mien. Ça se voit très bien, maintenant que tu l’as mouillé. »
Afficher en entierComme un miroir, la surface de la flaque d’eau reflétait le ciel matinal. Haut, très haut, de l’autre côté du monde, l’étendue grise à peine éclaircie par un soleil timide était fendue par la ligne noire que l’une des Arches formait dans l’atmosphère, comme une fêlure. Il n’y avait pas le moindre souffle de vent, pas la moindre goutte de pluie, et la flaque restait immobile, sereine dans son dialogue muet avec les nuages.
Puis une voix féminine hurla.
« Vire à droite ! À droite, putain de merde ! »
La sérénité de la flaque d’eau se brisa lorsque la roue d’un chariot tiré par deux cavalins affolés vint en crever la surface. L’attelage dérapa sur la piste, vola du haut d’une butte, rebondit lourdement sur le sol et vira enfin à droite, le tout en maintenant sa vitesse.
Elsy et Basilien, comprimés l’un contre l’autre à l’avant du véhicule, essayaient tant bien que mal de tenir les rênes qui dirigeaient les cavalins. Les gants de leurs combinaisons intégrales en tissu renforcé rendaient la tâche ardue. Fort logiquement, Basilien essaya donc de retirer les siens pour avoir une meilleure prise sur les lanières de cuir. Et tout aussi logiquement, Elsy le frappa dans le bras pour l’en empêcher, tandis que les cahots du chariot menaçaient de les jeter par-dessus bord.
« Interdiction de mourir avant qu’on ait touché notre salaire ! » ordonna la jeune femme à travers le masque de tissu qui lui couvrait la bouche.
Afficher en entierSpoiler(cliquez pour révéler)Ça se confirmait : Teliam Vore, le légendaire magicien de Loffrieu, n'était plus depuis longtemps. Ce qu'Elsy avait en face d'elle était plus dangereux, et bien moins important : un adolescent frustré et colérique.
Afficher en entierUn fou fait les cent pas autour d'une bouche d'égout, tout en répétant à voix haute :
-Treize... Treize... Treize... Treize...
Un passant s'approche et lui demande :
-Que comptez-vous donc, mon brave ?
Le fou le pousse dans la bouche d'égout.
-Quatorze... Quatorze... Quatorze... Quatorze...
Afficher en entierLa plupart des crétins qu’on s’apprête à retrouver pensent que je ne m’intéresse qu’au fric. C’est faux. Je m’intéresse au succès. À la victoire. Je ne suis pas là pour devenir riche. Je suis là pour devenir une légende des quartiers ouest. De cette ville de merde. Je suis là pour devenir une héroïne.
Afficher en entier