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Malgré l’absence de ma mère et mon caractère spécial (c’est ainsi que Grand-mère le définissait), j’eus une enfance plus heureuse que bon nombre de mes contemporains, contraints dès leur jeune âge à participer aux travaux familiaux ou à chercher un emploi à l’extérieur. Au grand dam de mon aïeule, mon père se refusait à louer ou à utiliser ma force de travail. Selon lui, la valeur d’un homme ne pouvait se mesurer à sa seule utilité économique. Un jour où il était en veine de confidences, il m’avoua que son rêve eût été de vivre à la manière des anciens, errant librement à travers les steppes et la taïga, troquant les produits de son industrie contre de la nourriture. Jusqu’à ce que les Russes colonisent la Sibérie, ses ancêtres evenks, éleveurs et forgerons itinérants, avaient vécu ainsi – et les ancêtres de ses ancêtres, chasseurs et tailleurs de silex, en avaient fait autant. Il savait encore façonner les outils de pierre et se montrait capable d’enlever d’infimes éclats sur le silex le plus dur. Il m’indiqua comment procéder.

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Ayant prononcé ses dernières paroles, Vlasta nous fit signe de quitter son isba et de ne rien révéler de ce que nous y avions vu ou entendu. Le soir même, une bien étrange rumeur mit tout Barabinsk en émoi. Certains racontèrent qu’à l’instant du crépuscule, ils avaient vu la babouchka quitter son domicile et s’envoler sur un balai, telle une sorcière de contes de fée en route pour le sabbat. Ayant constaté que la porte de son isba avait été fracturée, une poignée d’hommes se rendirent chez elle. Ils revinrent en disant que la maison était vide et qu’on n’y avait découvert aucune trace de son occupante – pas même une goutte de sang.

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— Safran… chuchota-t-elle, à demi-souriante. Luxe et volupté : les dames en raffolent – comme, autrefois, le parfum de ma jeunesse enivrait les beaux messieurs, les Robespierre et Bonaparte…

Sur l’instant, je ne pris pas garde à sa réaction – ni à ces beaux messieurs dont je n’avais même jamais entendu prononcer les noms. Je m’étonnais de découvrir sur la babouchka une odeur que je n’ai jamais plus retrouvée sur quiconque. Vlasta sentait l’eau – l’odeur de la pluie printanière – et même son sang dégageait cette discrète senteur, évanescente comme la rosée.

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J’étais en train d’avaler le verre de lait chaud qu’Ivan Petrovitch m’avait offert en récompense du service rendu, lorsque deux inconnus entrèrent dans l’établissement et demandèrent à louer des chambres pour deux ou trois nuits. Le premier n’avait rien de remarquable : grand et fort, il ressemblait à ces bûcherons itinérants qui parcouraient le Sud sibérien à la recherche de chantiers de coupe. À l’inverse, son compagnon était le genre d’homme qui se remarque au milieu de n’importe quelle foule. Plutôt petit, vraisemblablement âgé d’une trentaine d’années, cet inconnu m’impressionna par la richesse de son équipement et de son habit. Un superbe sac de voyage en cuir fauve pendait au bout de sa main gantée. Il était vêtu d’une coûteuse pelisse en zibeline et chaussé de bottes fourrées, au cuir ouvragé, soigneusement lustré. Une chapka protégeait sa tête du froid mordant de février. Quand il passa près de moi, une intense odeur de luxe me monta aux narines. Sous les parfums délicatement musqués de la fourrure et du cuir neuf, je discernai toutefois comme une puanteur de soufre… Après qu’une servante l’eut débarrassé de son bagage et de son manteau, il s’installa pour boire un verre de thé. Blotti près du poêle, je l’observai de loin. Une moustache noire barrait son visage qui, n’eût été sa pâleur aristocratique, aurait pu être celui d’un Hindou. Une moue hautaine tirait ses lèvres vers le bas. Au moment où il s’assit, je vis qu’il portait à la ceinture un revolver à crosse de nacre.

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Quand je n’aidais pas mon père à la forge (il n’autorisait ma présence auprès de lui qu’une ou deux heures par jour, de peur que les émanations écœurantes et sucrées du cuivre brûlé ne nuisent à ma santé), je retrouvais mes amis Yachka et Katinka. Cette dernière vivait dans une isba à pièce unique, située, comme la maison de Yachka, un peu à l’écart du bourg, dans le Barabinsk d’avant la construction du chemin de fer – un hameau qui ne regroupait que quelques maisons. Une rumeur tenace voulait qu’il s’y passât de ces choses qu’on ose à peine évoquer : les dévots affirment que le simple fait de prononcer leur nom est une offense à Dieu !

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Aux pépiements de Grand-mère, mon père Fedor Pavlovitch préférait les bruits de la forêt et le tintement clair du métal sous le fer de son marteau. Son atelier jouxtait la pièce unique où nous logions tous trois. Les exhalaisons métalliques de la forge l’imprégnaient à tel point que son odeur corporelle était le plus souvent indétectable. Mon nez ne pouvait la déceler qu’au moment où il sortait de l’étuve. Une curieuse senteur de silex émanait alors de sa personne. De petite taille, le teint mat, cheveux bruns, pommettes hautes et yeux noirs fendus en amande, il parlait peu et avait la réputation de préférer la compagnie des chevaux à celle de ses congénères. « À la différence des hommes, les chevaux ne disent pas de mensonges », avait-il coutume de plaisanter. Il prétendait aussi qu’un cheval ne pouvait être domestiqué, mais seulement apprivoisé – et que le plus grossier des chevaux de labour avait plus de liberté que le pauvre moujik qui le menait aux champs.

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« Pour tenir à distance les mauvais esprits », m’expliqua-t-elle un soir, tandis que sa bouche ridée exhalait d’odorantes et mouvantes arabesques bleutées. Grand-mère croyait en Dieu mais craignait davantage encore les vieux esprits de la nature sauvage et autres représentants du monde magique chers à la tradition slave. Quand je faisais une bêtise, elle disait que le domovoï – génie domestique, que ceux qui l’ont vu décrivent comme un vieillard aux sourcils broussailleux, à la barbe grise et au corps couvert de poils – allait m’en tenir rigueur et causer le malheur dans notre isba. Elle m’exhortait aussi à me défier du redoutable bannik, diablotin sournois et vicieux, à l’aspect simiesque, qui hante les bains publics. Comme toutes les dévotes, Grand-mère avait une sainte horreur du corps. « C'est un péché de se préoccuper de la chair », aimait-elle à répéter sitôt que l’occasion se présentait, et spécialement à chaque fois qu’elle me voyait prendre le chemin de l’établissement de bains publics. Dans la société russe d’alors, la fréquentation du bain de vapeur constituait un véritable rite social – sauf, bien sûr, pour certains moines adeptes d’un ascétisme plutôt rance et qui faisaient le vœu de ne jamais se laver ! Mon aïeule n’en était heureusement pas arrivée à un tel stade de bigoterie ; à défaut d’y prendre plaisir, elle faisait sa toilette quotidienne et trottinait chaque semaine jusqu’à l’étuve publique, en multipliant les signes de croix pour se prémunir contre le bannik… Son corps dégageait une agréable odeur d’écorce de bouleau.

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Comme tout un chacun, je ne garde que peu de souvenirs de ma petite enfance. Les seules images liées à cette période de ma vie concernent Sarah et Katinka. Après la mort de ma mère, il fallut trouver quelqu’un pour m’allaiter. On me plaça donc en nourrice chez Sarah, une juive convertie à l’orthodoxie, qui avait fui les ghettos de l’ouest du pays, où l’État confinait les israélites. Installée depuis peu à Barabinsk, elle se disait veuve et sans doute l’était-elle… Née deux jours avant moi, sa fille unique Katinka devint donc ma sœur de lait – et la première d’une longue série d’initiatrices dont la fréquentation devait marquer ma destinée. Dans ma mémoire, ses bouclettes blondes et ses yeux bleus ne subsistent qu’à l’état de souvenirs imprécis, mais je n’oublierai jamais la senteur suave et fleurie de sa peau. Le fait d’inspirer quotidiennement son parfum naturel favorisa chez moi l’acquisition précoce d’une capacité olfactive très supérieure à la moyenne – qui devint ensuite ma plus fidèle alliée, sinon la meilleure de mes armes.

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Respire, Efim Fedorovitch ! Prends ton souffle, mon garçon ! D'une vigoureuse claque sur les fesses, la sage-femme me propulsa dans le monde des vivants. De ma bouche jaillit mon premier hurlement.

Ma vie commença ainsi, voilà plus d’un siècle, aux premières lueurs du solstice de l’hiver 1899 et dans un bouillonnement rouge sang. Ni les efforts de la sage-femme qui venait de procéder à l’accouchement, ni les prières de ma grand-mère qui l’assistait, ne purent réduire l’hémorragie qui tuait ma mère.

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