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Mais l’avenir, dans ces années-là, ne réservait hélas rien de bon. La guerre. Ensemble, Louise et Margot avaient été embarquées dans l’aventure de l’évacuation, puis du retour, de l’occupation, des difficultés de toutes sortes. Pas parmi les plus éprouvées, elles en étaient conscientes. Des familles attendaient, parfois en vain, dans une incertitude angoissante, des nouvelles de maris, de fils, de pères, tous des hommes jeunes, prisonniers en Allemagne, quand ils n’avaient pas été tués dès les premiers assauts. Elles n’étaient pas non plus au nombre des malheureux que les restrictions affamaient, notamment dans les villes. Dans ces circonstances aussi la nature remplissait son rôle, en permettant aux jeunes de ne pas perdre toute leur insouciance, de ne pas leur faire oublier leurs désirs, leurs envies, leurs instincts, même s’ils avaient pour la plupart assisté à des scènes violentes ou couru des dangers.
Afficher en entierCe fut un coup rude pour Louise. Mais les valeurs qui l’avaient toujours guidée dans la vie, travailler, pouvoir marcher la tête haute, ne rien devoir à personne, valeurs partagées avec Arsène dont les frasques ne tiraient jamais à conséquence, l’avaient aidée à remonter la pente. Elle n’était pas sans ressources, ni matérielles ni affectives. Elle possédait sa maison, modeste certes, héritée des parents de son homme. Elle percevait une pension, modeste elle aussi, de la compagnie des chemins de fer, et grâce à son jardin, son verger et sa basse-cour, elle limitait ses dépenses.
Afficher en entierMargot avait seize ans à la mort de son père. Elle n’avait jamais quitté ses parents, et partageait son temps entre sa mère qu’elle secondait pour les tâches ménagères et une vieille dame du village, couturière de son état, qui l’avait prise en apprentissage dès sa sortie de l’école dans le but de la voir lui succéder. Elle était vive, aimable et rieuse, et de plus très jolie avec sa chevelure rousse et frisée et sa frimousse piquetée de taches de son.
Afficher en entierLouise Chauvy, « la Louise », comme la nomment tous les habitants du village, est la grand-mère de la petite, Odile, surnommée Dilette.
Afficher en entier— Allez, petiote, on a encore bien travaillé aujourd’hui, on a bien gagné le goûter. Va donc me chercher la brouette, que je mette mes paniers et mes outils dedans.
La gamine fait oui, de la tête, et trottine jusqu’à la remise toute proche. Soulever et pousser la brouette que ses mains et ses bras d’enfant ne peuvent pas empêcher de chavirer l’amuse. Elle s’amuse mais elle ne rit pas. Elle ne rit jamais. Elle plisse juste un peu le nez et les yeux, c’est tout. De même que quand elle court, elle ne fait que de petits pas rapides, jamais de grands élans.
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