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Quand j’étais arrivé à satiété d’affection, que j’avais refusé leurs baisers plusieurs fois, repoussé les câlins et leurs mains pleines d’ongles dans ma tignasse, alors là seulement elles me laissaient seul et je me sentais écœuré de tant d’amour et plein d’un pouvoir indescriptible. C’était une de mes joies d’été, j’y pensais quand le froid me saisissait et grignotait le bout de mes souliers fatigués de l’école dès le mois de novembre. La chaleur m’envahissait alors et je sentais monter en moi la force des êtres aimés.
Afficher en entierJ’apprendrai la mort de Laure, par hasard, dans un café où j’achèterai des clopes alors que j’aurai cessé de fumer depuis longtemps. Envie soudaine d’encrasser mes poumons. Je croiserai une de ses amies.
— Mais tu ne savais pas? Elle est partie bien vite, en trois mois, pouf! Le pancréas, on ne peut rien faire.
Adresse griffonnée sur le paquet ; on l’enterrera l’après-midi même. Je passerai chez Louis, je lui dirai : « Laure est morte. » Il débouchera du vin et nous attendrons ensemble l’heure d’y aller. Il ne me proposera pas de m’accompagner. On affronte seul les rendez-vous d’amour.
Afficher en entierNous mimions un terrible combat d’épées, sous le regard méprisant et amusé de Sandra. J’en sortais vainqueur, et mon père transpercé au cœur mourait dans des râles qui n’en finissaient pas. Maman s’agenouillait sur son cadavre. Mon grand-père faisait alors sonner un rire cruel et annonçait que Barberousse n’était pas mort, qu’il reviendrait et ne laisserait aucun survivant cette fois ! Maman suppliait de cesser : j’allais faire des cauchemars.
Nonno me faisait peur devant les autres mais lorsque nous nous retrouvions tous les deux, il apparaissait sur son visage un sourire telle une panoplie d’enfant cachée sous ses vêtements d’adulte. Il portait des costumes sur mesure : lin écru l’été, trois-pièces marine les jours plus froids. « Pour être unique, Alessandro, un homme doit inventer son propre uniforme. » Mon grand-père l’avait compris bien avant Superman. Quiconque le rencontrait, le gardait en mémoire comme un tableau de maître. Nonno était beau. Son visage émacié et racé, orné d’une fine moustache en forme de bouche boudeuse, lui valait les sourires des femmes. Athlétique, les cheveux blancs comme des plumes de colombe. Lorsque Nonno se faisait servir son digestif dans la véranda, il avait son jeu de cartes près de la carafe en cristal. Il s’en emparait avec jubilation, battait les cartes et jouait à la Scopa.
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