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Tommy
Été 1897
— Scusez-moi, maître.
La cloche venait de sonner, marquant la fin de notre dernier jour d’école. Les autres garçons avaient déguerpi en un clin d’œil. Pour eux, terminer leur scolarité signifiait franchir une nouvelle étape : l’occasion d’apporter un salaire à leur famille. Prendre la place des générations précédentes, relever le défi de notre héritage, voilà ce que signifiait devenir un homme dans le bassin houiller. Moi, je lambinais.
J’ai regardé Mr Latimer ranger son bureau et secouer la veste qu’il laissait accrochée à sa chaise pendant qu’il donnait ses leçons. De la poussière de craie blanche s’était déposée par-dessus celle du charbon que nous portions et respirions tous. On en avalait quand on se léchait les lèvres. Le mélange de blanc et de noir conférait à Latimer une apparence grise et terne.
Il a levé les yeux.
— Tommy Green. Vous êtes encore là, mon garçon ? Vous voulez quelque chose ?
— J’aimerais un mot, m’sieur, juste un peu de votre temps.
Latimer continuait à secouer sa veste et à aligner ses craies. Je gigotais, ne sachant ni trop quoi faire de mes mains ni quelle question poser. Je ne connaissais rien d’autre que l’extraction de charbon et les comtes. Que fallait-il demander ?
— Merci, m’sieur. C’est juste que, vous voyez, m’sieur…
J’ai inspiré un grand coup.
— Vous avez toujours eu la gentillesse de dire que je me débrouillais bien à l’école, m’sieur.
J’espérais qu’il me viendrait en aide. Qu’il interviendrait peut-être avec un : « Absolument, Tommy ! Depuis le temps que j’enseigne, jamais je n’ai vu de garçon aussi prometteur que vous. Dans les mines, vous gâcheriez votre talent… »
Mais il n’a rien dit. Il a essuyé le tableau noir, effaçant les proverbes et les vers d’où il avait tiré notre dernière leçon d’orthographe et de morale, et j’ai vu disparaître avec eux mes espoirs.
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