Extraits

Elle rougit.

— Puis-je… puis-je entrer ?

Trois longs pas l’amenèrent près d’elle.

— Oui.

Dans ma vie, dans ma maison, dans mon cœur. Il avait encore du mal à croire qu’elle soit réellement là.

— Oui, répéta-t-il, vous pouvez entrer.

Même entourée de sa famille, elle se sentait parfois si seule qu’elle avait peur d’en mourir. Elle avait accepté le destin que le sort lui avait réservé et n’en éprouvait plus de colère, mais il y avait une chose qu’elle ne parvenait pas à surmonter : être dans l’incapacité de se marier.

— Suis-je condamnée à ne jamais connaître la joie ? Je ne demande qu’une nuit. Une seule. Une nuit qui me durera jusqu’à la fin de mes jours.

Dépravée !

— Eh bien, soit. Peu importe.

Pourtant, à la perspective de ce qu’elle s’apprêtait à faire, ses mains tremblaient, son ventre se nouait. Si seulement elle n’avait pas été aussi ignorante !

Ah, toi et tes grands projets ! Tu n’as pas la moindre idée de la manière de t’y prendre.

— Je suis sûre qu’il m’aidera. Ça ne peut pas être si dur que cela, non ?

Il te reconnaîtra. Et alors, qu’adviendra-t-il de toi ?

— Non, il ne me reconnaîtra pas. Hormis pendant cette seule danse, quand lady Bellamy l’a quasiment forcé à m’inviter, je suis sûre qu’il ne m’a même jamais regardée. Je n’étais qu’une des nombreuses jeunes filles qui faisaient leurs débuts dans le monde cette saison-là.

Et si tu te retrouves avec un enfant ?

— Tu veux bien arrêter ! C’est que le destin en aura décidé ainsi. Après tout, quelles étaient les chances que nous nous retrouvions tous les deux au même moment dans cette auberge avec personne pour nous voir ?

Abandonnant cette querelle avec elle-même, Grace se lava les mains, en regrettant de ne pas avoir une robe plus élégante à mettre.