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Parfois, Iris se demande comment elle pourrait bien expliquer à un tiers la relation qu'elle entretient avec Alex. Par : nous avons grandi ensemble ? Pour préciser ensuite : mais nous ne sommes pas liés par le sang ? Est-elle prête à avouer que, dans son sac, elle garde un caillou qu'il lui a donné il y a plus de vingt ans ? Sans qu'il s'en doute ?
Ce qu'elle pourrait raconter, c'est qu'elle avait cinq ans et lui six quand elle l'a vu pour la première fois. Qu'elle ne se rappelle presque pas la vie avant lui. Qu'il a débarqué un beau jour et, depuis, n'est plus sorti de son existence. Qu'elle se souvient de la première fois où elle a entendu prononcer son nom.
Elle prenait son bain. Sa mère était assise par terre devant elle. Toutes deux parlaient d'une petite fille qui était dans la classe d'Iris à l'école et, tout à coup, au milieu de cette conversation agréable, sa mère lui a soudain demandé si elle se rappelait un certain George. Il les avait emmenées faire une balade la semaine précédente et avait montré à Iris comment manier un cerf-volant. S'en souvenait-elle ? Iris s'en souvenait, mais n'en souffla mot. Sa mère annonça alors qu'il viendrait habiter avec elles la semaine suivante. Elle espérait qu'Iris serait contente et aimerait George. Puis elle se mit à lui verser de l'eau sur les épaules et les bras.
"Tu pourrais peut-être l'appeler oncle George."
Iris observait l'eau qui se scindait en minuscules filets sur sa peau. A deux mains, elle serra son gant de toilette si fort qu'il ne fut plus qu'une boule dure, humide.*"Mais il n'est pas mon oncle, protesta-t-elle en plongeant le gant dans l'eau chaude.
- C'est vrai."...
"George viendra avec son petit garçon, Alexander. Il a presque le même âge que toi. Ca sera bien, hein ? Je me disais que tu pourrais m'aider à préparer la chambre d'amis pour qu'il la trouve accueillante. Qu'est-ce que tu en penses ?"
Afficher en entierUn jour et deux nuits durant, elle reste attachée. Quelqu'un vient lui retirer ses vêtements. Armée d'une paire de grands ciseaux en argent, une femme, dans la pénombre, lui coupe les cheveux. Esme gémit., puis pleure, ses larmes coulent sur ses joues pour s'enfoncer dans l'oreiller. Elle voit la femme s'éloigner avec ses cheveux qu'elle tient dans une main comme un fouet.
Cé sent le désinfectant et l'encaustique et, dans le lit placé dans un coin de la salle, quelqu'un grommelle toute la nuit. Un plafonnier clignote et ronronne. esme hurle, se débat dans les courroies serrées, essaie de se libérer, crie : s'il vous plaît, s'il vous plaît, aidez-moi, jusqu'à ce que sa voix s'enroue. elle mord une infirmière qui tente de lui donner à boire.
La vie qu'elle a menée jusque-là et à laquelle on l'a arrachée la hante. Au crépuscule, lorsque la pièce s'assombrit, elle se dit que sa grand-mère doit descendre les marches dallées de la cuisine pour vérifier si le dîner est en bonne voie, que sa mère doit prendre le thé dans le salon de devant, compter les morceaux de sucre avec une pince, que les filles, à l'école, doivent rentrer chez elles en tram. Il est inconcevable qu'elle ne prenne plus part à ces événements. Comment tout cela peut-il se dérouler sans elle ?
Afficher en entierJ'ai l'impression d'attendre quelque chose qui ne viendra peut-être jamais.
Afficher en entierNous ne sommes que des vaisseaux par lesquels circulent des identités, songe Esme : On nous transmet des traits, des gestes, des habitudes et nous les transmettons à notre tour. Rien ne nous appartient en propre. Nous venons au monde en tant qu'anagrammes de nos ancêtres.
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