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La domestique guetta une réponse. Mais elle ne vint pas. Le vieux se disait, dans sa moustache : « Mon Dieu qu’ils attendent ! N’ai-je pas attendu, moi, plus que de raison, pour obtenir le droit, enfin, de marcher sur mes terres ? Et je n’en fis pas un caprice. » Il alla s’asseoir derrière son bureau. C’était un endroit confortable pour réfléchir et méditer, bien qu’il lui préférât ses chais avec l’odeur de cave. Mais il y descendait de moins en moins souvent ; parfois il restait un jour ou deux sans venir les humer, ces bons vieux effluves de rancio. Et cette ronde, quoi qu’on en dise, finissait par lui manquer. « Faudra m’enterrer sous les bonbonnes et les dames-jeannes, au paradis. Mais on fera comme pour les gens ordinaires, une promenade au cimetière et quelques pelletées de terre. »
Tant d’amertume jetée sur sa propre existence ne le rendait que plus discourtois envers son prochain, Athénor, et cela gâtait les dernières années de sa vie. Il se montrait taciturne comme s’il avait quelque secret à cacher, pourtant ce n’était pas le cas. Il ne s’aimait guère non plus, ce qui peut paraître paradoxal pour un homme qui voit sa vie s’achever la mort dans l’âme, mais peut-être se sentait-il trop imprégné par ces vieilles bêtises de famille. De temps à autre, il se reprochait de n’être pas immortel, afin que la grandeur des Chatelayon se perpétue, puisque sa mort, comme toute mort du reste, conduirait à l’avènement d’une nouvelle génération, soupçonnée par avance d’être peu respectueuse des traditions. Athénor voyait donc, par-devers lui, l’effondrement de la maison, la ruine d’anciennes ambitions. Dans le passé, tout s’était opéré au mieux, de Domatien à Damien le flambeau avait été passé sans affaiblissement de la maison. Ce que l’un n’avait pas eu le temps d’accomplir, le suivant l’avait engagé. « Et moi, n’ai-je pas été fidèle à ma lignée ? se rassura-t-il. Maintenant, je puis partir la tête haute. Mais qu’en sera-t-il de Julius ? »
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