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- Socrate
Tu peux te rendre compte encore une fois, Ménon, du chemin que ce garçon a déjà parcouru dans l'acte de se remémorer. En effet, au début il ne savait certes pas quel est le côté d'un espace de huit pieds carrés - tout comme maintenant non plus il ne le sait pas encore -, mais malgré tout, il croyait bien qu'à ce moment là il le savait, et c'est avec assurance qu'il répondait, en homme qui sait et sans penser éprouver le moindre embarras pour répondre; mais à présent le voilà qui considère désormais qu'il est dans l'embarras, et tandis qu'il ne sait pas, au moins ne croit-il pas non plus qu'il sait.
- Ménon
Tu dis vrai.
- Socrate
En ce cas n'est-il pas maintenant dans une meilleure situation à l'égard de la chose qu'il ne savait pas?
- Ménon
Oui, cela aussi, je le crois
- Socrate
Donc en l'amenant à éprouver de l'embarras et en le mettant, comme la raie-torpille, dans cet état de torpeur, lui avons-nous fait du tort?
- Ménon
Non, je ne crois pas.
- Socrate
Si je ne me trompe, nous lui avons bien été utiles, semble-t-il, pour qu'il découvre ce qu'il en est. En effet, maintenant, il pourrait en fait, parce qu'il ne sait pas, se mettre à chercher avec plaisir, tandis que tout à l'heure, c'est avec facilité, devant beaucoup de gens et un bon nombre de fois, qu'il croyait s'exprimer correctement sur la duplication du carré en déclarant qu'il faut une ligne deux fois plus longue.
- Ménon
C'est probable.
- Socrate
Or penses-tu qu'il entreprendrait de chercher ou d'apprendre ce qu'il croyait savoir et qu'il ne sait pas, avant d'avoir pris conscience de son ignorance, de se voir plongé dans l'embarras et d'avoir conçu le désir de savoir?
- Ménon
Non, je ne crois pas, Socrate.
- Socrate
En conséquence, le fait de l'avoir mis dans la torpeur lui a-t-il été profitable?
- Ménon
Oui, je crois.
Afficher en entier-Socrate
Mais, à coup sûr, il n'y a que deux principes pour nous guider de façon correcte: l'opinion vraie et la connaissance. Et l'homme qui en dispose est un bon guide. En effet, ce qui résulte de la fortune ne dépend pas d'une direction humaine, mais l'homme qui guide d'autres hommes en visant à la rectitude le fait selon deux principes: l'opinion vraie et la connaissance.
-Ménon
C'est bien mon avis.
-Socrate
Or, puisqu'une telle chose ne s'enseigne pas, on ne peut plus dire que la vertu vienne d'une connaissance?
-Ménon
Apparemment pas.
-Socrate
Donc des deux réalités qui sont bonnes et utiles, en voilà déjà une acquittée, et ce ne serait pas à la connaissance d'être guide en matière d'opinion politique.
-Ménon
Je pense que non, en effet.
-Socrate
Ce n'est donc pas grâce au savoir qu'ils possèdent, ce n'est pas non plus parce qu'ils étaient savants que pareils hommes ont été les guides de leur cité - je parle de Thémistocle et autres, que celui-là, Anystos, a mentionnés tout à l'heure. L'absence d'un tel savoir est aussi la raison pour laquelle ils ne sont pas capables de rendre d'autres hommes pareils à eux-même. En effet, ce qu'ils sont, ils ne le doivent pas à une connaissance.
-Ménon
Il me semble qu'il en est comme tu dis, Socrate.
-Socrate
Or, s'ils ne sont pas bons grâce à une connaissance, ils le sont - c'est la possibilité qui reste - grâce à la bonne opinion.
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