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À cet instant, le contrôleur se pointe pour vérifier les tickets des passagers. Marie tend son billet. L’employé le poinçonne, le lui remet et insère un carton numéroté au-dessus du cadre de la fenêtre. Avant que le train arrive à chacune des gares du parcours, l’employé fait le tour des wagons et vérifie les numéros assignés aux voyageurs. Ce système lui permet de repérer rapidement les passagers qui doivent descendre à la prochaine station et de les aviser quelques minutes avant l’arrivée pour leur permettre de ramasser leurs affaires à temps. Le respect de l’horaire est sacré pour la compagnie des chemins de fer.

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Émergeant du passé, Marie se redresse brusquement lorsque le train annonce son arrivée en faisant carillonner ses clochettes. La locomotive exhale une nuée de vapeur et martyrise la voie ferrée qui geint sur son passage. Le plancher de la gare vibre et communique sa fébrilité aux voyageurs en partance. Le scénario classique des arrivées et des départs se reproduit selon le même rituel et Marie, une fois à bord, repère un siège libre qu’elle espère occuper seule. Mais le flux abondant des voyageurs lui fait vite perdre ses illusions. Un couple s’assied dans le banc d’à côté et l’homme lui demande de permettre à son fils de partager le sien. Dans l’attente de la réponse, le jeune garçon fixe le plancher. Une mèche rebelle pointe crânement à travers le toupet du gamin. Marie le trouve émouvant.

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Un an et demi plus tard, leur mère était venue la rejoindre chez Reine. Entre-temps, l’un de ses frères s’était marié et avait repris la ferme familiale. Il avait proposé à sa mère de garder ses plus jeunes frères qui pourraient se charger des travaux de la ferme pendant qu’il irait gagner dans les chantiers l’argent nécessaire à l’expansion de son troupeau de vaches. Dans ce but, il avait acheté la terre de leurs voisins, un couple âgé qui n’avait pas d’enfant pour prendre la relève. Le fermier lui avait consenti un prix de faveur à la condition que Ludovic leur permette d’habiter leur maison jusqu’à leur mort.

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Il semble à Marie qu’il s’est écoulé une décennie depuis cette journée de tempête où elle cherchait à rassurer sa mère alors qu’elle-même avait du mal à contrôler l’angoisse qui lui nouait l’estomac. Elle se sent si différente ce matin: à la fois apaisée et en même temps plus consciente de la fragilité de la vie. «Quel phénomène étrange de devenir maman», se dit-elle avec un léger pincement au cœur. Deux petits êtres sont venus métamorphoser son univers. Ils se sont développés en elle – à son insu pourrait-on dire. Elle n’a pu choisir ni leur sexe, ni la couleur de leurs yeux, ni leurs traits. «Par quel miracle ont-ils tous leurs membres?», se demande-t-elle, émue et reconnaissante, avant d’ajouter un post-scriptum à sa lettre.

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La petite maison de bois craque de partout sous l’assaut des rafales. Assise à la table de la cuisine, Marie écrit à sa mère, à la lumière de la lampe à pétrole. Le tic tac de l’horloge rythme son écriture. Le feu, qui crépite dans le poêle à bois, répand sa douce chaleur dans la maisonnette. L’odeur du pain tout juste sorti du four embaume la pièce. La soupe et le ragoût de pattes mijotent et la bouilloire siffle, rappelant à Marie qu’il est temps d’infuser le thé pour le retour de Guillaume.

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Lourde de huit mois et demi de grossesse, le dos arqué pour faire contrepoids, elle range la plume et l’encrier, puis elle insère la lettre dans l’enveloppe sans la cacheter. Pour chasser ses sombres pensées, elle se met à fredonner en préparant le thé.

L’horloge sonne six heures lorsque Marie entend enfin claquer la porte arrière. Elle accourt vers son beau Guillaume et se pend à son cou. Grave et silencieux, il l’étreint de toutes ses forces, puis il la couvre de baisers. Sa grosse moustache toute blanche de givre fait frissonner Marie qui se dégage en riant.

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Jeudi, 31 janvier 1929

Guillaume,

Depuis trois nuits, Marie-Reine m’apparaît en songe. Elle est pâle et me demande de la secourir. Tu connais les rêves prémonitoires que j’ai déjà faits dans le passé. Elle est gravement malade, j’en ai peur. C’est pourquoi je pars au Canada sans attendre ton retour.

Prions Dieu de nous venir en aide.

Ton épouse dévouée,

Marie

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Tenant la lampe d’une main ferme, elle se dirige vers son secrétaire placé au salon. D’un geste décidé elle ouvre l’abattant, prend une feuille de papier et s’installe pour écrire un mot d’adieu à Guillaume. Elle trempe la plume dans l’encrier, puis s’arrête. Elle a beau penser à toutes sortes de formules, les mots se bousculent en une tempête d’émotions qui lui embrument le cerveau. Figée dans l’irrésolution, la main suspendue au-dessus de la feuille, Marie ne trouve pas le style qui convient.

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— Vous m’avez fait du bien vous aussi. Merci beaucoup.

Marie réussit à glisser le dollar dans la poche du jeune homme, à son insu, lorsqu’il l’aide à descendre de la carriole. Elle lui fait au revoir de la main et pénètre dans son appartement sombre. Elle enlève ses gants, craque une allumette et allume la lampe à pétrole. Elle frissonne, le poêle à bois s’est éteint durant sa longue absence. Le logis glacial et vide lui rappelle le froid qui a envahi son cœur en constatant l’inconduite de son mari. Guillaume ne rentrera pas cette nuit et, pour une fois, cela l’arrange.

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Boston, janvier 1929

Dans le brouillard des gros flocons de neige qui bombardent la ville, les larmes de Marie passent inaperçues aux yeux des passants anonymes qui croisent son chemin. Le blizzard s’accorde aux sentiments tempétueux qui l’habitent tout entière et la font trembler de chagrin et de rage. Comment a-t-il pu lui faire une chose pareille? Marie n’en revient toujours pas de la conduite de son homme. Lui, son intrépide capitaine, qu’elle a toujours attendu avec patience, qu’elle a suivi avec confiance durant tant d’années. Après tout ce temps passé à l’aimer, à croire en lui, elle n’aurait jamais pu imaginer qu’il en vienne à de pareils égarements.

Marie marche à l’aveuglette durant plusieurs heures, sourde aux bruits qui l’entourent. Au coin d’une rue, elle passe près de se faire renverser par une carriole dont le cocher est pressé de rentrer au bercail. Les grelots des chevaux la tirent de sa torpeur. Tous ses sens maintenant en alerte, Marie essaie de se repérer dans cette grande ville qu’elle connaît si mal, bien qu’elle y réside depuis quelques années. Passant devant une église, elle décide d’y entrer pour se reposer et prier. Sa foi l’a toujours soutenue dans les moments difficiles.

L’intérieur de l’église est sombre et désert. Une petite lumière rouge, sur l’autel, indique que le saint sacrement y est exposé. Marie avance dans l’allée centrale jusqu’à la sainte table, fait sa génuflexion et se dirige vers la statue de la Vierge Marie. C’est vers sa mère du ciel, dont elle porte le nom, qu’elle se tourne en dernière instance, pour ce qu’elle appelle ses «causes désespérées». Elle a pour son dire qu’il n’y a qu’une femme qui peut comprendre un problème de femme et la Vierge lui a toujours apporté le réconfort et la force dont elle avait besoin. Elle allume un lampion, au pied de la statue, et regarde danser la flamme pendant qu’elle se remémore les derniers événements. Le silence et le recueillement apaisent finalement son cœur en charpie. Marie sait maintenant ce qu’il lui reste à faire: quitter ce mari déloyal qu’elle commence déjà à haïr de toutes les fibres de son être. Cette séparation va causer tout un émoi dans leur entourage, ce sera un véritable scandale, mais elle préfère affronter l’opprobre de la société plutôt que de revoir une seule fois le sourire enjôleur de Guillaume.

En sortant de l’église, Marie hèle la première carriole qui passe. Encore sous le choc, elle s’adresse au cocher en français. Se rappelant soudain qu’elle est aux États-Unis, elle reformule sa question dans un anglais hésitant: «Could you drive me…»

— Pas besoin de vous forcer, ma bonne dame. Je suis Canadien français moi aussi.

L’air engageant, il l’invite à monter et lui couvre les jambes d’une grande peau d’ours pour la protéger du froid. Marie ne voit que ses dents étincelantes, car le reste du visage est camouflé sous un bonnet de poil calé jusqu’aux yeux.

— Couvrez-vous bien, madame. On en a pour longtemps avant d’arriver chez vous.

— Merci, dit Marie réconfortée par le sourire franc du jeune homme. Je me suis aventurée plus loin que je ne pensais. Ça ne vous dérange pas trop de me reconduire chez moi? Peut-être y a-t-il quelqu’un qui vous attend?

— Non, je viens de finir mes livraisons, dit le jeune homme à la carrure athlétique. J’ai un peu le mal du pays en ce moment. Et puis ça me fait du bien d’entendre parler français.

Il tourne à la première rue à droite et fait le tour du quadrilatère pour reprendre, en sens inverse, la rue qu’ils viennent de quitter.

— Où habitiez-vous au Canada? lui demande Marie.

— À Lévis. Je suis arrivé à Boston il y a trois ans, je travaille à l’épicerie de mon oncle. Et vous, de quelle région êtes-vous?

— Je suis originaire de Cap-aux-Brumes. Et j’y retourne demain.

À six heures du soir, les travailleurs rentrent chez eux à la fin de leur longue journée de labeur et les rues de Boston grouillent de passants et de voitures. Marie remarque que le jeune homme conduit son cheval avec douceur. Docile, l’animal obéit au plus léger mouvement des cordeaux. Il y aurait pourtant de quoi paniquer, car plusieurs automobiles zigzaguent dangereusement sur l’épaisse couche de neige qui s’est formée et les conducteurs nerveux actionnent l’affreux klaxon de leur engin débridé.

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