Extraits

— Tu es parfait dans ton imperfection, déclara-t-elle en m’embrassant sur la joue.

J’ignorais si c’était mon ivresse qui m’empêchait de lier ces mots entre eux ou si ses paroles n’avaient aucun sens, mais j’aimais la façon dont elle avait dit cela.

— Je te trouve parfaite telle que tu es.

Elle pencha la tête et soupira.

— Mais qu’est-ce que tu as pensé la première fois que tu m’as vue ? Tu peux me dire la vérité. Je suis sûre que tu as été un peu déçu quand tu as compris que j’étais ta nouvelle partenaire de TP.

— Mouais… mais c’est parce que tu étais tellement mignonne que j’en ai déduit que tu devais être bête, autrement dit, que j’allais finir par me coltiner tout le boulot.

Elle leva les yeux au ciel et je souris, ne pouvant me retenir d’ajouter :

— Et ensuite j’ai flairé ton odeur, et ton sang sentait si bon que j’ai eu peur de finir par te tuer en te dévorant. C’est pour ça que je n’étais pas très bavard et que j’ai passé mon temps à faire des entailles dans la table le premier jour.

Lyla éclata de rire et me poussa du coude.

— Tu es bête.

— Tu as raison. Je t’ai laissée m’embarquer dans ce marathon Twilight dimanche dernier. C’était clairement une erreur.

-Quand je suis face à un beau mec, mon cerveau me dit de rester cool mais ma bouche répond à mon cerveau d’aller se faire voir, et je me retrouve à débiter des conneries. Je ne crois pas que je puisse y changer quelque chose.

« -En fait, je l'ai rencontrée il y a trois semaines, merci !

- Oh, une récidiviste ! Je suis impressionnée.

- Tu me juges. Ce n'est pas cool de ta part, surtout juste après avoir cassé mon coup. Je suppose que je vais devoir me contenter de toi.

Je me penchai vers elle, bouche grande ouverte et lange dehors.

-Beurk !

Elle éclate de rire et me repoussa. Bien ! Elle souriait a présent. Je ne supportais pas de voir son petit air triste. Hélas, celui-ci réapparut presque aussitôt. Avec une autre fille, j'aurais pris mes jambes à mon cou pour éviter de l'écouter me confier ses états d'âme ou de me mêler de Dieu sait quoi l'ayant fait pleurer. Mais Lyla était mon amie et, comme je le disais, je me sentais responsable d'elle. Sans doute parce que chaque moment passé avec elle était simple comme bonjour-de petites parenthèse dans ma vie trépidante dont j'avais besoin de temps à autre-et que j'avais peu d'amis proches qui me connaissaient aussi bien qu'elle. J'aimais ce que nous partagions et pour être honnête, je ne savais pas vraiment comment elle était parvenue à se faire une place dans mon existence aussi facilement. »

Plus tôt ce jour-là, j'aurais cru que l'amour était plus fort que cinq lettres que les gens utilisaient à tort et à travers. J'y avais vu un sentiment puissant et sincère capable de guérir les blessures du passé grâce à l'acceptation et à la compréhension. Quel p*** d'imbécile je faisais! Le seul pouvoir de l'amour était de rendre les gens vulnérables afin de les faire souffrir et de les user jusqu'à ce que tout ce qui leur reste soit des coeurs brisés et des vies ruinées.

J’avais osé. J’avais aimé. J’avais survécu. J’étais forte.

J’étais moi.

- on m'a arrangé un rencard ce soir, enfin... j'ai plutôt eu l'impression d'être la cinquième roue du carrosse qu'on avait conviée à la fête par pitié.

- "la cinquième roue du carrosse" ? répétai-je.

Elle me raconta le coup monté, l'alcool, puis elle baissa les yeux et me rapporta dans un filet de voix le moment où le connard l'avait qualifiée de "fille moche et rasoir". Je serrai les poings, pris d'une envie d'aller trouver ce type pour les utiliser sur lui.

- C'est juste que je préfère ne pas y retourner ce soir, conclut-elle en essuyant ses joues ruisselantes de larmes. Est-ce que je peux squatter ton canapé ?

- Bien sûr. Tu es toujours la bienvenue ici.

Ces derniers mois, j'avais oublié combien elle pouvait être fragile. Elle s'épanchait désormais sans retenue auprès de moi, mais cela avait pris du temps et je m'inquiétais parfois que des gens profitent d'elle. Cela dit, je n'aurais jamais cru que l'on puisse tomber aussi bas dans la méchanceté gratuite.

- Ce mec avait tort, Lyla. C'est de toute évidence un gros abruti.

1. Nouveau look plus tendance.

2. Faire un keg stand (se rappeler de ne pas porter de jupe ce soir-là).

3. Sortir avec un bel inconnu (degré d’intensité de « sortir » à déterminer au moment du baiser).

4. Chanter dans un karaoké.

5. Danser sur le comptoir d’un bar. (Apprendre à danser de façon sexy pour ne pas me ridiculiser le moment venu.)

6. Me faire tatouer.

7. Connaître l’extase sexuelle.

Quoi ? — Salut ! lança Lyla. Je ne t’avais pas entendu entrer. Je finissais juste de me coiffer et… Beck ?

Je me retournai et Einstein planta ses griffes dans mon bras, soudain pressé de descendre. Je le libérai et regardai mon amie qui se tenait sur le seuil de la chambre. Ses cheveux étaient rassemblés en une queue-de-cheval sur le côté, quelques mèches souples encadrant son visage. Elle portait un haut blanc à col en V tout simple qui mettait en valeur ses formes et sous lequel on devinait un soutien-gorge en dentelle, et une de ses longues jupes hippies aux motifs roses, pêche et rouges qui tombait sur ses hanches quelques centimètres en dessous de son tee-shirt, laissant entrapercevoir sa peau sexy.

Et mon cerveau répétait en boucle ces mots :

« extase sexuelle, extase sexuelle, extase sexuelle. »

Beck rapprocha sa chaise et prit mon visage en coupe entre ses mains. Mes poumons cessèrent alors de fonctionner complètement.

— Il n’y a rien qui cloche chez toi, Lyla. C’est juste que tu n’as pas encore trouvé la bonne personne.

Ma peau était en feu, et un désir ardent s’éveilla dans mon bas-ventre.

Puis la serveuse vint déposer un plateau-repas devant moi, rempli d’une multitude de couleurs et de textures que je ne reconnaissais pas.

Beck retira lentement sa main en faisant glisser le bout de ses doigts sur ma peau, y laissant une agréable sensation de chaleur mêlée de picotements. Il m’adressa un sourire rassurant qui eut pour effet d’amplifier les sentiments contradictoires que j’éprouvais à son égard mais m’apaisa malgré tout, puis il remercia la serveuse et s’empara de ses baguettes.

Il choisit un des rouleaux formés de riz et de poisson coloré dans une enveloppe verte.

— Commence par celui-là.

Il tendit la main vers moi en me regardant droit dans les yeux.

— Fais-moi confiance. 

Dans un cas comme dans l’autre, je n’étais pas bête au point d’aller m’enticher de Beck Davenport. Ce mec entretenait des relations plus longues avec ses paquets de céréales qu’avec les filles, et dans ce domaine-là, il ne m’aurait même pas calculée, que ce soit pour un coup d’un soir ou davantage. Nous étions simplement deux passionnés de chimie dont l’amitié s’était développée sur la base de notre goût commun pour les soirées devant un film et un pot de glace – Beck était un intello qui se cachait tandis que j’exposais mon amour des sciences aux yeux du monde entier.