Commentaire de Myfanwi

J’ai passé plutôt un bon moment avec ce service presse ! Il y a de très bonnes idées, même si je pense que quelques petits aspects auraient mérité d’être un peu plus approfondis.

Nous nous trouvons donc dans un univers de fantasy, presque à huis clos. L’intrigue se passe entre un village dont on ne peut sortir, à cause de la malédiction, peuplé d’humains, et les abords d’une forêt peuplée d’elfes aux grands pouvoirs. L’univers n’est pas médiéval, il est plutôt contemporain, même si cet aspect contemporain a tendance à se faire oublier de temps à autre.

L’intrigue suit Randy Morisson, un demi-elfe qui vit une grosse crise d’identité au quotidien. Issu d’une malédiction familiale qui court sur plusieurs générations, il est le premier être hybride de sa lignée. Les enfants Morisson ne sont pas les fruits d’unions volontaires en général, et Randy n’a jamais connu sa mère. Il sait qu’il s’agit d’une elfe, étant donné sa nature, mais toute son éducation a été réalisée par son père, Alan, l’Effrayant. À sa disparition, le jour où Randy hérite des pouvoirs du monstre nocturne, Randy se retrouve bien seul pour affronter un destin dont il ne veut pas. Alors que les porteurs du masque de l’Effrayant ont tous succombé à son appel du sang, Randy parvient pour la première fois en plusieurs générations à refuser le meurtre. Pas tous les meurtres, mais quelques uns. Ainsi, Randy nous apparaît comme différent, après une longue introduction qui nous présente ses prédécesseurs et les actes plutôt horribles qu’ils ont commis au fil du temps.

Pour autant, Randy a les mains liées. Pour briser la malédiction lancée par Satine à un de ses ancêtres, après que celui-ci ait joué d’elle et humiliée, il doit trouver l’amour. Le problème, c’est que Satine n’a pas vraiment été douce dans les malédictions qu’elle a lancé à son amant déchu : une laideur repoussante, le masque de l’Effrayant, l’obligation d’avoir un héritier le plus rapidement possible, une mort précoce une fois sa tâche faite… Et la condamnation du village et de tous les hommes si jamais il meurt avant ou sans héritier. J’ai trouvé que c’était quand même un peu gros au moment où ça a été énoncé, mais c’est assez logique pour bien aller au bout de l’histoire, donc admettons. À ces malédictions, ajoutons le fait que Satine elle-même a été maudite par les siens, punie pour avoir utilisé de la magie noire, et condamnée à rester coincée dans un arbre tant que la malédiction de Morisson n’aura pas été levée… Ou périr avec eux. C’est assez drôle comme dynamique, puisque le personnage qui a provoqué tout ce désastre pour se venger d’avoir été trahie… se retrouve malgré tout attacher de manière définitive à ce dernier, sans aucune chance de s’en sortir si elle ne le garde pas en vie.

Le but de l’intrigue est donc, vous l’avez compris, de trouver un moyen de briser la malédiction, ce qui n’est possible que si Randy trouve quelqu’un pour l’aimer, non seulement lui, mais aussi son côté plus sombre. Je ne vais pas vous spoiler ce qui va arriver, mais disons qu’il va recevoir un petit coup de pouce du destin pour l’aider en ce sens, avec bien des péripéties pour compliquer la chose.

Ce texte traite donc de plusieurs thématiques très intéressantes : la vengeance, en premier lieu, et les conséquences néfastes qu’elle peut amener. Cette vengeance prend forme dans plusieurs personnages, dans la malédiction, par ou contre l’Effrayant, c’est un des thèmes central du récit. Il y a aussi l’acceptation de soi, bien évidemment, et du physique en particulier, un élément qui était attendu. On a aussi plusieurs fois le thème des agressions sexuelles qui revient, d’abord utilisées comme moteur de l’intrigue, puis décriées par son personnage principal, qui ne tue en vérité que des pervers tout au long de l’intrigue. On retrouve aussi ça dans le traitement des personnages masculins de l’histoire, presque tous des figures négatives, là où les figures féminines, hormis à un moment, représentent la compassion et l’intelligence. C’est peut-être par ailleurs un chouïas trop manichéen.

L’histoire se présente comme une réécriture de La Belle et la Bête, et en suit globalement l’intrigue, avec quand même un gros twist sur la fin. Le texte n’est pas forcément plus sombre que le texte original, mais est davantage axé sur la fantasy, avec une grande importance de la magie tout au long de l’histoire, et en particulier sur la fin.

En revanche, elle garde plus ou moins la forme du conte, ce qui peut surprendre au niveau du style littéraire. Les premiers chapitres en particulier m’ont fait hésité à lâcher le texte, parce que les personnages y sont un peu caricaturaux, et comme on s’attend davantage à lire de la fantasy, ça questionne beaucoup. Au final, passé l’introduction, que j’ai trouvé un peu trop longue, le texte se lit très bien. Je pense toutefois que certains personnages n’ont pas été assez développés, ce qui cause aussi un peu le manichéisme dont j’ai parlé plus tôt. Il n’y a pas de problèmes avec les personnages importants de l’histoire, mais les hommes du village, j’ai eu beaucoup plus de mal à les trouver crédibles, parce qu’ils ne sont présenter que comme des êtres négatifs, en tout cas sur une grosse partie de l’histoire. La fin est aussi surprenante, puisqu’elle revient pour le coup pleinement dans la fantasy, ce qui donne au texte l’impression d’être entre deux chaises une bonne partie de l’intrigue, et j’aurais aimé que la partie conte ou la partie fantasy s’affirme sur la fin.

Néanmoins, l’histoire est plutôt originale, et dans l’ensemble, j’ai passé un bon moment de lecture, malgré les quelques petits défauts relevés. Je recommande à ceux qui aiment les réécritures de contes, je sais que c’est un genre qui est en train de revenir sur le devant de la scène, et ça pourrait vous plaire !

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