Extraits

[...] Baahl fixa les chaînes avec insistance et celles-ci cédèrent, faisant tomber au sol l’homme vêtu entièrement de noir. Ce dernier se releva difficilement, genoux et mains à terre, jetant un regard rancunier à celui qui se trouvait devant lui.

— Te souviens-tu de mon visage ? interrogea Baahl.

L’homme au masque acquiesça lentement. Il essaya de se mettre debout, mais après deux cents ans suspendu à des liens d’acier, le corps avait du mal à répondre. Il s’écroula, soulevant une brume de cendre.

— Relevez-le.

Deux tentèrent l’exploit de le redresser, mais il était bien trop lourd. Soudainement, alors qu’ils s’acharnaient à le tirer vers eux, un souffle ardent émana spontanément de l’individu et les deux esclaves se prirent une douche de flammes rougeoyantes qui illuminèrent toute la cellule. Baahl s’écarta en écrasant son dos au mur afin de laisser sortir en panique les torches humaines qui s’écroulèrent dans une agonie innommable.

Suivi d’un dernier effort, l’homme réussit à tenir debout. Ce fut au tour de Baahl de lever les yeux pour le regarder. Sa respiration était sonore, presque rugissante. Comme il expirait, une faible fumée s’échappa du masque. L’ombre qui était projetée sur les murs le rendait terrifiant.

Baahl recula et ordonna l’ouverture des autres portes dans la grande chambre.

— Libérez-les tous, exigea-t-il.

Puis il se retourna vers le géant masqué.

— Bon retour parmi nous, seigneur Mardaas.

Grinwok : Primo, j'ai perdu ma pierre, et deuxio, j'en ai ras l'cul de toute cette histoire. J'suis pas censé me trouver ici, ça m'dépasse, ça m'concerne pas ! J'veux retourner chez moi ! J'savais qu'en venant ce s'rait la merde, j'aurais dû m'écouter.

— La plus grosse erreur d'un héros, c'est de croire qu'il en est un.

— Ça vous intéresse ?

— Quand ça tue, ça m'intéresse.

Alors qu’il cherchait d’autres personnes à secourir, il l’aperçut devant lui à quelques mètres, immobile, lui faisant face au milieu d’une forêt de flammes. Mardaas était planté au milieu comme un pilier, alors que tout autour de lui, les Iaj’ags détalaient pour se mettre à l’abri. Il fixait le prince avec un regard puissant. Un regard qui se voulait être un message. Il n’eut pas besoin de paroles, car ses iris flamboyants parlaient pour lui. Draegan avait compris cet avertissement que le Seigneur de Feu venait de lui lancer.

N’oublie pas qui je suis.

— À qui appartient cette flèche ? demanda froidement Mardaas en se déplaçant lentement.

Voyant que personne ne lui répondait, il continua de s’approcher plus près d’un groupe de Iaj’ags. La trajectoire de la flèche ne pouvait venir que d’ici.

— Mardaas, lança Draegan, incertain de ses actes. Mardaas !

Mais il n’écouta pas. Il reposa une dernière fois la question à ceux devant lui. Sauf que cette fois, il entendit la corde se tendre et aperçut l’archer faire un pas en avant parmi les autres pour arriver au niveau de son visage. Il visait de nouveau la tête. Mardaas le scrutait avec assurance.

— Ne rate pas ton coup, petit, dit Mardaas qui voyait la pointe de la flèche à quelques mètres de lui.

L’archer décocha. Le projectile avait fait à peine une éraflure sur le masque. Il rebondit et atterrit dans la terre mouillée. En quoi ce masque était-il fait ? C’était la question que tout le monde se posait. Mais le tireur, lui, n’eut pas le temps de se le demander, car Mardaas tendit son bras dans sa direction et il se prit un torrent de flammes qui se jeta également sur ceux qui étaient dans le périmètre. Le son d’un souffle flambant avait rendu sourd R’haviq qui était à proximité et qui avait été témoin de la scène avec de grands yeux ouverts, impuissant.

— Il n’est plus en état de combattre ! protesta-t-il. — Alors, prenez place !

Il avait hésité à le faire. Son regard se tourna furtivement vers Mardaas. Non, c’était une mauvaise idée. Une idée bien trop risquée. Mais c’était ça ou se livrer lui-même dans un combat où ses chances de survie n’escomptaient pas plus de deux minutes. Il repensa à ses hommes qui avaient été tués pour rien.

Le prince s’approcha hâtivement de Mardaas, assez près pour que personne ne puisse entendre.

— Mardaas, je…

— N’en dites pas plus. Vous voulez que je le tue ?

Le regard anxieux de Draegan lui avait suffi comme réponse. Il s’avança, mais le prince le rattrapa.

— Mardaas… Essayez de… prenez votre temps. Que ça ait l’air… réaliste.

— Vous m’en demandez trop.