Extraits

Je suis à présent dans la poussière et les toiles d’araignée. Réjouissant. Personne ne s’était attaqué au grenier jusque-là. Je réalise que c’est la première fois que je monte sous les toits. Enfant, cette pièce nous était interdite, soi-disant en raison de l’escalier étroit qu’il fallait emprunter pour y accéder. J’ai souvent imaginé des raisons plus obscures, que ma grand-mère y cachait un fugitif par exemple. Le premier constat est qu’il n’y a pas grand-chose – et surtout pas d’être humain vivant ou mort – ensuite, tout est plutôt bien rangé, ce qui m’arrange étant donné que j’ai un train à prendre à 18 heures. Mon œil est attiré par un berceau ancien en bois, probablement celui de ma mère et de Nana avant elle. Je demanderai à maman, elle saura sans doute. Il y a aussi une grande malle, je la reconnais, c’est celle des histoires que Nana me racontait petite. Elle est venue de Russie avec mes arrière-grands-parents, des nobles qui ont fui Saint-Pétersbourg comme beaucoup d’autres à la révolution de 1917 pour échapper aux bolcheviks. Des « Russes blancs » comme on les appelle. Je ne me lassais jamais d’écouter les récits de ma grand-mère sur mes ancêtres, tout semblait tellement épique. Aujourd’hui, avec le recul, et une meilleure connaissance de l’histoire aussi, je me dis que ça a dû être sacrément difficile pour eux de tout quitter.

L’histoire de plusieurs générations, ou plutôt ce qu’il en reste, se tient devant moi dans ce grenier. J’ouvre la malle avec précaution, prête à y découvrir un trésor caché. Je n’en suis pas loin. Elle contient des robes anciennes ayant probablement appartenu à Svetlana, mon arrière-grand-mère. J’ose à peine les toucher, elles semblent sorties d’un film d’époque. Certaines sont dans des matières nobles, du brocart, du velours, ornées de broderies, d’autres plus modestes, mais elles sont toutes magnifiques à mes yeux, d’une grande élégance. Et, au fond du coffre, la pièce ultime, un long manteau de fourrure. Long, doux, luxueux, comme dans mon imagination de petite fille. Virginie et moi aurions adoré nous déguiser avec ces vêtements extraordinaires. Je referme la malle, je ne peux pas décider seule de son devenir et je m’assois en tailleur sur le sol, prête à ouvrir ces cartons recelant peut-être d’autres merveilles. Je découvre une multitude d’objets empreints d’histoire, celle de mes ancêtres, rangés avec soin et emballés dans du papier pour les protéger. Un magnifique samovar que je devine très ancien ; un appareil photo ; un poupon en porcelaine, pièce probablement d’une grande valeur, mais il me fait surtout penser à Chucky avec ses grands yeux qui me fixent ; du linge de maison ; des babioles en porcelaine et enfin une collection de pièces de monnaie et une autre de timbres, des heures de travail passionné au vu de la quantité amassée. De nos jours, on ne collectionne plus grand-chose à part les amis virtuels sur Facebook ou les like sur Instagram. Sophie va pouvoir s’en donner à cœur joie sur le site de vente en ligne.