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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T18:23:50+02:00

À l’époque où Makana était inspecteur de police à Khartoum, il avait collaboré avec le père de Talal sur plusieurs affaires. Abdel Aziz s’était mis à dos les autorités bien avant que Makana n’en fasse autant. Il protestait fréquemment et, grâce à son intelligence, était parvenu en de nombreuses occasions à se montrer plus malin que les avocats à la solde du régime, qui, pour la plupart – proclamait-il avec indignation –, n’auraient jamais réussi à intégrer la faculté de droit en son temps, et encore moins à obtenir le diplôme. Makana s’était efforcé, en vain, de le persuader de s’enfuir. Aziz avait beau être une personnalité en vue, ce n’était qu’une question de temps avant que le régime décide de l’éliminer. Et, de fait, il avait été accusé de complot contre la sécurité de l’État et condamné à mort.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T18:23:44+02:00

Les autres commencèrent à arriver peu après. Ils étaient six au total, en comptant la femme de l’accueil, dont Makana crut comprendre qu’elle se prénommait Meera. Il y avait un employé, affligé d’un pied bot, qui faisait la navette entre les bureaux et la photocopieuse, des documents à la main. Les trois principaux protagonistes étaient le jeune homme replet, Wael, puis Youssef et Arwa. Youssef était un individu de petite taille, sec et nerveux, vêtu d’un blouson de cuir. Ses yeux, froids comme la pierre, étaient profondément enfoncés dans leurs orbites. Il marmonna un vague bonjour en entrant, marcha rapidement vers son bureau, tout au fond, puis s’affala dans son fauteuil. Il pivota vers la fenêtre et décrocha le téléphone, fumant sans interruption, dos tourné, regardant par moments autour de lui pour surveiller ce qui se passait. Le vaniteux Wael, apparemment doté d’une énergie illimitée, téléphonait aux clients en s’exprimant dans un galimatias d’anglais, d’arabe et de français, ajoutant par-ci, par-là un mot d’espagnol ou d’allemand pour faire bonne mesure ; mais, de toute évidence, sa connaissance de ces différentes langues se limitait à quelques compliments ou formules de politesse. Malgré cela, il se comportait comme un homme qui négocie la paix dans le monde ou qui brasse des millions de dollars à la Bourse, alors qu’il organisait de simples séjours de vacances. Le dernier membre de cette heureuse famille était Arwa. Petite et assez corpulente, elle était emmitouflée dans un épais manteau noir boutonné du haut en bas qui lui descendait aux chevilles et la transformait en créature informe, d’un genre indéterminé. Elle portait un hijab en imprimé léopard et mâchait du chewing-gum comme s’il s’agissait d’une discipline olympique. D’un pas traînant, elle se dirigea vers son espace de travail sans saluer les autres.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T18:23:27+02:00

Quelque chose, chez elle, ne cadrait pas avec cet environnement. Âgée d’environ trente-cinq ans, elle avait un visage fin et des sourcils dont la cambrure trahissait une vive intelligence. Ses vêtements, choisis pour leur côté pratique, ne mettaient pas en valeur sa mince silhouette : elle portait une jupe longue et une veste qui lui donnaient une allure assez falote et la vieillissaient certainement. Elle préférait se fondre dans la masse plutôt que de se démarquer. Son alliance apprit à Makana qu’elle était mariée. Le col et les manches de son chemisier étaient légèrement usés. Au total, une femme qui vivait frugalement et qui surveillait ses dépenses. Le salaire que lui versait Faragalla ne lui permettait visiblement pas de renouveler sa garde-robe trop souvent. Ou alors elle ne se préoccupait pas de son apparence, sans être négligée pour autant. Ses longs cheveux bruns étaient propres et retenus par un simple ruban noir. Peu maquillée, elle arborait au poignet un tatouage bleu pâle représentant une croix.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T18:23:19+02:00

Pour Makana, c’était toujours un petit miracle que quelqu’un consente à l’engager. Une grande partie de son job consistait souvent à déterminer pour quelle raison on l’avait choisi, lui. Bien sûr, personne ne faisait vraiment confiance à la police, ce qui jouait en sa faveur. On ne mêlait pas les autorités à ses affaires parce qu’on courait le risque d’attirer l’attention sur soi dans un sens défavorable. Le système n’était fidèle qu’à lui-même, attaché à préserver son existence, à satisfaire ses besoins, son appétit de pouvoir ; on ne s’adressait pas à lui pour obtenir justice. D’un autre côté, il était vrai aussi que, la plupart du temps, les clients qui faisaient appel à Makana avaient eux-mêmes quelque chose à cacher : une faiblesse de caractère, un vice, un délit – parfois grave, le plus souvent mineur. De quoi, en tout cas, les encourager à se tourner vers une personne n’appartenant pas aux cercles d’influence. Une personne capable de tenir sa langue. Une personne comme Makana.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T18:23:10+02:00

Vite fatigué de ces billevesées, Makana jeta le journal en soupirant et se mit à arpenter la pièce. Il n’y avait pas beaucoup de place pour faire les cent pas, quasiment tout l’espace étant envahi de bureaux pour l’instant inoccupés – à l’exception d’un seul. Talal l’avait amené à penser que L’Ibis Bleu était une affaire prospère, mais il apparaissait clairement que le jeune homme était aveuglé, et ce à double titre : primo, il était employé par l’agence ; secundo, plus important, il était épris de la fille du patron. Makana décida de patienter encore un peu, par affection pour Talal à défaut d’autre chose, mais sa première impression n’était guère encourageante. Soit l’affaire marchait tellement bien que le patron n’avait pas besoin d’arriver à l’heure, soit – hypothèse plus probable – il y avait si peu d’activité que personne ne prenait la peine d’être à son poste à neuf heures du matin.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T17:27:28+02:00

Ayant glané son content d’informations sur l’industrie du tourisme, Makana jeta l’opuscule de côté en se maudissant d’être aussi stupide. Le père de Talal avait été autrefois un avocat extrêmement respecté au Soudan, l’un des rares à oser défier le régime devant les tribunaux, et il l’avait payé de sa vie. Lorsque son père était mort en prison, Talal et sa mère s’étaient envolés pour Le Caire, où Makana s’était efforcé de les aider dans toute la mesure de ses moyens. Talal était un jeune homme intelligent, qui essayait de se faire une place dans son pays d’adoption et ne se débrouillait pas trop mal. Aujourd’hui respectable guide interprète pour touristes, il démêlait les mystères ésotériques des pharaons, en chinois et en espagnol, pour des visiteurs passionnés. D’autres se livraient à la même activité en japonais, en russe et en allemand. L’Égypte ancienne faisait l’objet d’une curiosité sans limites. Les gens venaient des quatre coins du globe pour voir le chaos que Makana lui-même voyait tous les jours – mais eux, ils payaient ce privilège beaucoup plus cher. Le gros problème de Talal, c’est qu’il était un incurable romantique. Pour commencer, il brûlait du désir secret de devenir compositeur de musique classique. Makana avait un peu de mal à comprendre cette aspiration, mais il la mettait sur le compte de la mère du garçon, une Égyptienne d’un certain rang social, sans talents particuliers, qui avait reporté ses ambitions avortées sur son fils unique dès son plus jeune âge. La mort du père avait rapproché la mère et l’enfant, probablement plus qu’il n’était souhaitable, en conséquence de quoi Talal se démenait pour réussir. Le métier de guide n’était pour lui qu’une étape sur le chemin qui le conduirait à composer et à diriger son propre orchestre. Devenir un Mozart africain était aux yeux de Makana un idéal bizarroïde, mais tout le monde avait besoin de se raccrocher à un rêve.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T17:27:17+02:00

Les bureaux de l’agence de voyages L’Ibis Bleu étaient perchés sur une saillie en béton qui constituait le troisième étage d’un immeuble délabré du centre-ville, à un jet de pierre de la place Al-Ubra, baptisée ainsi du nom de l’ancien opéra qui se dressait naguère à cet endroit. Le bâtiment, incendié lors des émeutes de janvier 1952, avait finalement été remplacé par un parking à plusieurs niveaux. L’agence envoyait par avion des touristes dans la Vallée des Rois, où ils visitaient au pas de charge les sépultures brûlantes et poussiéreuses de pharaons morts des siècles auparavant. Elle les emmenait à dos de chameau dans le désert du Sinaï, sur les pas de Moïse, avant de les déposer sur une plage, au bord de la mer Rouge, où ils pouvaient rôtir agréablement au soleil pendant quelques jours, profiter de buffets bien garnis ou plonger dans l’eau bleue limpide au milieu des récifs de corail. Les soirées vibraient au rythme endiablé de la musique disco, leur apportant le style de vie hédoniste qu’ils associaient à la notion de vacances. L’Ibis Bleu leur faisait remonter et descendre le Nil dans de luxueux bateaux, avec danseuses du ventre et spectacles folkloriques tous les soirs. La nourriture était préparée à l’européenne, de sorte que rien d’aussi fâcheux qu’une indigestion ne pouvait gâcher la grande expérience de leur existence.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T17:27:09+02:00

À côté de ceux pour qui l’ange était une présence bienveillante, un témoignage de la protection divine, d’autres, tout aussi nombreux, y voyaient un mauvais présage. Pourquoi s’était-il manifesté au moment où débutait cette série de meurtres ? Existait-il un lien entre les deux événements ? Les parents n’osaient plus quitter des yeux leurs enfants. La police, dont la présence était le plus souvent limitée, ne se donnait pas beaucoup de mal pour découvrir les coupables. La mort d’un enfant, dans cette partie de la ville, ne retenait guère son attention. Pourtant, en l’occurrence, ces garçons étaient assassinés, leurs corps horriblement mutilés. Évidemment, s’ils avaient appartenu à des familles riches, ç’aurait été une autre affaire.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T17:27:04+02:00

La vision de l’ange était perçue comme un prodige, la preuve que Dieu ne les avait pas abandonnés. Quelques adeptes, formant une petite secte assidue, se retrouvaient tous les soirs pour une veillée aux chandelles, agenouillés devant l’église, les mains jointes en un geste de prière, implorant un miracle. Pendant leur attente, ils guettaient du regard le moindre mouvement au-dessus de leurs têtes. Naturellement, les témoignages variaient. Selon les uns, la silhouette était menue ; d’autres la disaient immense. Certains affirmaient qu’elle était raide comme une statue, d’autres juraient qu’elle avait des ailes scintillantes, d’or ou d’argent. Elle irradiait comme si elle était en feu.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-05-11T17:26:52+02:00

Au début, personne n’y prêta attention. Chacun était trop occupé par le combat au quotidien. On n’avait pas le temps de lever les yeux de la chaussée défoncée pour regarder vers le ciel, de peur de trébucher. En outre, dans ce quartier mal éclairé, on devait être sur ses gardes si on ne voulait pas se faire renverser par un automobiliste impatient. Pour ne rien arranger, les apparitions avaient lieu le soir, quand la rue était une longue vallée effervescente : motos pétaradantes, minibus klaxonnant, sirènes et timbres de bicyclettes, vendeurs à la criée, hennissements de chevaux rétifs. On n’avait pas le loisir de remarquer quoi que ce soit, encore moins une silhouette perchée dans les hauteurs.

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