Extraits

Tu sens comme la maison...

Il s'approche de moi et me détaille. Ce n'est qu'à ce moment-là que je réalise à quoi je dois ressembler : un épouvantail.

Tu as de la valeur, Loup. Et tu dois tenir ta promesse.

Ne plie jamais devant eux. Ne les laisse pas t'avoir.

Mary. Mary. Mary.

Son prénom résonne en moi. J’ai envie de répéter son nom à voix haute pour connaître sa saveur sur ma langue. Je pourrais l’appeler juste pour le plaisir de le faire, mais que pourrais-je bien répondre lorsqu’elle me demandera pourquoi je l’ai fait ? À la place, je me contente de rester sur le pas de la porte à l’observer chercher dans le placard de la salle d’eau. Elle en sort une fiole ainsi qu’une couverture.

— Voilà ! Enfin !

Elle expire lourdement et se relève en s’étirant. Elle me fait signe d’approcher et j’obéis sans me poser de question.

— En premier, on va s’occuper de ça, dit-elle en direction de mon collier de fer.

Je savais que ça pourrait arriver, qu’elle allait peut-être me libérer entièrement. Rien que d’imaginer, je me sens étrange. Après huit ans avec ce fardeau, j’ai du mal à croire que je ne l’ai pas un jour porté. Elle détache le bouchon de la fiole et je suis nerveux.

— Si je t’enlève ce truc, tu me jures de ne pas faire n’importe quoi ?

Je hoche la tête, incapable de répondre clairement par crainte qu’elle décèle la peur dans ma voix. J’ai été bridé toute ma vie, je ne peux pas lui avouer que je me crains moi-même. Je n’ai aucune idée de ce qui se passera une fois libéré… J’ai la certitude que quoi qu’il puisse advenir, je ne lui ferais pas de mal. Ça n’arrivera pas.

— Bien.

Mary s’approche et lève la tête vers moi.

— Tu devrais peut-être te baisser. Ou t’agenouiller. Je suis trop petite pour l’atteindre.

Je me raidis presque instantanément. J’opte pour la première solution et m’incline dans sa direction. Aussitôt, son cœur se met à battre plus rapidement en écho au mien. De si près, je peux détailler chaque tache de rousseur qui orne son joli visage rond.

— Penche la tête vers le sol et ne bouge surtout pas, d’accord ?

Pourquoi ai-je l'impression d'avoir quitté une prison pour une autre ?

L'unique point positif est que cette fois, elle sera là.

Je ne serai plus seul.

Je ne veux pas mourir ici.

Je ne veux pas abandonner.

Il faut que je m'en sorte.

Quelque chose bat à l'intérieur de moi. Quelque chose que j'ai du mal à contenir.

Soudain, une voix familière presque oubliée hurle dans mon esprit.

à moi. à moi. à moi.

Ils veulent un monstre.

Je leur donnerai un monstre.