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Dire une fois dans sa vie non, non à tout ! Quoi qu’il se passe, quel que soit le risque, faire un pas de côté.
Afficher en entier« Soldat Frégni, compte tenu de tout ce qui vient d’être dit, nous vous condamnons à une peine d’un an de prison - mon cœur cessa de battre -, avec sursis », ajouta-t-il. Mon cœur repartit. Je compris ce jour-là toute l’importance de la virgule. Il me manquera toujours ces deux battements de cœur.
Afficher en entierCe qui me manquait le plus, tout au long de ces journées vides, était de tenir un livre entre mes mains. Le prendre, l’ouvrir, le feuilleter. Le poids d’un livre, le grain, la clarté des pages. La forme de chaque mot, l’odeur des mots, leur bruit... L’écho des phrases.
Afficher en entier« Il y a trois ans que je lis un livre par jour. Je suis dans ce piège, parce qu’on m’a pris un calibre à la main. J’ai beaucoup mieux qu’un calibre aujourd’hui, j’ai des mots, j’ai leurs mots ! Ils ne savent plus comment m’attraper. On n’attrape pas un type qui a des mots. Ils me craignent parce que je les connais, je connais leur pouvoir et leurs faiblesses. Ils ne savent plus qui je suis... Lis, René, tu leur feras très peur !
Afficher en entierMaintenant je vis dans une maison au bord de la forêt. Vers cinq heures du soir, l’hiver, je fais du feu dans un poêle en fonte noir et je relis de vieux livres. Je lis trois pages, je regarde la danse des flammes, je m’endors un peu, je rattrape mon livre, tourne deux pages, ajoute une bûche… Je serai bientôt vieux. Je dors souvent.
Depuis trois ans, une petite chatte blanc et marron glacé vit avec moi. Elle est sortie de la colline, derrière la maison, comme une pelote de laine pas plus grosse que mon poing. Depuis trois ans elle m’observe, saute sur mes genoux, me parle. Nous regardons s’effondrer en sifflant des châteaux de braises. Lorsque quelque chose frôle les murs de la maison, ses oreilles tournent et elle plante ses griffes dans ma cuisse. Elle compte sur moi, c’est rassurant.
Ma mère, il y a si longtemps, me lisait quelques pages le soir dans notre cuisine de Marseille, au-dessus des jardins. Le château d’If s’embrasait au loin et les îles. Nous nous installions devant le gros poêle à charbon, elle me prenait sur ses genoux, sa voix si douce soulevait en moi les premiers tumultes de la vie.
J’étais tour à tour ému, révolté, bouleversé par la solitude et les souffrances d’Edmond Dantès, de Jean Valjean et du petit Rémi de Sans famille. La vérité profonde de la vie était contre la poitrine de ma mère, ces soirs d’hiver. Tout ce qu’elle me lisait était beau à pleurer, à hurler. Je détestais les livres d’école, je n’aimais que la voix de ma mère.
Je suis né déserteur. Durant toute mon enfance, aux confins de Marseille, je suis allé à l’école au bout de notre impasse, avec la peur au ventre d’être interrogé, avec ce rat de peur qui me rongeait le ventre. La voix de ma mère écartait de mon corps les odeurs grises des livres de grammaire, des cartables, de la poussière de craie et de la peur. Les rectangles jaunes qui soulignaient et résumaient l’histoire de France et les règles de grammaire me donnaient envie de vomir. Il fallait tout apprendre par cœur et attendre son tour pour réciter devant les autres. Envie de vomir.
J’ai passé mon enfance à rêver à la belle lumière qui inondait dehors les forêts, les chemins et les villes. Je n’allais presque pas à l’école, je marchais jusqu’au soir dans les collines et les rues de la ville. Je volais tout ce qui me tombait sous la main, épiais le regard des adultes, leurs mains. J’étais Edmond Dantès, Fantine, Jean Valjean. Pour aider ces trois-là j’aurais tué la moitié de la ville. Je mentais à tout le monde.
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