Extraits

Le jeune homme se força à détacher son regard de la peinture. Il positionna la bougie à hauteur des yeux dans les airs. La chandelle se maintint en lévitation. Gabriel prit une grande inspiration, avant de déclamer l’incantation que Mila lui avait fait apprendre par cœur :

“ Ô Magie des Temps Anciens,

Fées de l’Autre Terre,

Réveillez-vous !

Entendez ma prière.

Que ce tableau révèle sa vraie nature,

Qu’un portail s’ouvre devant moi

Pour mener mes pas

Où bon me semblera !”

Le silence retomba brusquement. Un instant, Gabriel se sentit confus. Il s’était levé en plein milieu de la nuit pour donner un ordre à une peinture sinistre. Décidément, la magie commençait à lui tourner la tête. Alors qu’il était sur le point de partir, un grincement retentit.

Contes et Légendes des Sorciers de l’Autre Terre

Les Êtres humains ne sont pas nés avec des aptitudes magiques. Les pouvoirs ont été octroyés aux Fées, à leur naissance. Celles-ci sont incroyablement puissantes. Chacune de leur espèce est dotée d’une paire d’ailes splendides aux couleurs qui reflètent tant sa personnalité que le type de pouvoirs qui la dominent. Les Fées sont, pour la plupart, intrépides et valeureuses.

Il y a très longtemps, les Fées vivaient en communauté. Il n’en existait qu’une centaine. Il était rare qu’elles aient des enfants, de sorte que leur nombre était relativement stable. Ensemble, elles s’établirent sur un continent au-dessus des nuages. Elles le nommèrent l’Autre Terre, par opposition au monde des non-magiques. Les Fées appréciaient la compagnie des êtres humains, mais il leur était impossible de nouer des liens solides avec eux.

Prudent, Gabriel observa l’objet. Mais, le jeune homme ne pouvait déterminer s’il était ensorcelé ou non. Il mit fin à ses tergiversations en choisissant de s’en emparer. Lorsqu’il retourna l’enveloppe, Gabriel constata que son nom était écrit.

Intrigué, il l’ouvrit. Un rouleau de parchemin sauta littéralement hors de l’enveloppe, tandis qu’une chaîne, ornée d’un curieux pendentif, glissa sur le sol. Gabriel se pencha pour la rattraper, ce qui lui arracha un petit cri de douleur. A sa grande surprise, il reconnut la chaîne que portait sa mère. Pourquoi avait-elle décidé de s’en séparer ? Il n’en avait aucune idée. Le plus curieux résidait dans le pendentif. Il s’agissait d’une élégante plume de corbeau en or. Elle tenait dans la paume de Gabriel.

Tandis qu’il examinait la plume, le parchemin se déroula devant lui. La voix douce de sa mère emplit la pièce. Interdit, Gabriel écouta

Chapitre 1 :

Un village si paisible

1

Allongé dans l’herbe, Gabriel se délectait de la sensation du soleil sur sa peau. Il faisait rarement beau dans le village des Sorciers. La plupart du temps, il pleuvait sans discontinuer. Cela ne déplaisait pas au jeune homme de bientôt dix-huit ans que Gabriel était. Mais, il aurait aimé, parfois, s’échapper de cet endroit pour découvrir les rivages ensoleillés du monde des non-magiques. Parmi les humains, Gabriel s’imaginait que la vie devait être plus facile. Pas de pouvoir, pas de besoin de se cacher, ni de prétendre. Car, cela faisait maintenant plusieurs années que Gabriel faisait croire qu’il possédait de la magie. Rien n’aurait été plus étonnant. Le jeune homme descendait d’une illustre famille de Sorciers. Leur origine remontait à l’époque de l’apparition du premier d’entre eux, Liérane.

C’était aussi le Sorcier qui avait fondé l’Autre Terre. D’après ce que Gabriel en avait retenu, il s’agissait d’un continent où vivait la totalité des Sorciers. Mais, quand Liérane avait trépassé, l’Autre Terre s’était divisée en cinq villages sorciers, éparpillés à travers le monde. Il était possible de voyager d’un village à l’autre, grâce à des portails. Ceux-ci s’avéraient extrêmement difficiles à conjurer, de sorte que les échanges étaient limités. Gabriel et sa famille vivaient dans le plus important des cinq villages, celui qui abritait le Haut Conseil des Sorciers. Chacun de ses sept membres avait hérité sa place. Les Sept, ainsi qu’on les nommait, descendaient des disciples de Liérane. Ils avaient été les premiers non-magiques à recevoir un enseignement en sorcellerie. A force d’études et d’entraînement, chacun des sept disciples était parvenu à devenir un puissant Sorcier.

Prologue

Un fugitif. C’est ce qu’ils ont fait de moi. Un être apeuré, craignant chaque jour pour sa vie. Ou pire.

Cette nuit, je me confonds avec l’obscurité. Les ombres m’entourent de leur enveloppe protectrice. Ce sont mes plus fidèles alliées. Jamais, elles ne m’abandonneront. Jamais, elles ne me trahiront. Pas comme eux.

Alors que je m’élance au-dehors, j’entends un murmure. Ce n’est pas un son humain. Malgré ma méfiance, mon instinct me pousse à écouter. Je perçois un écho de sons que je ne discerne pas clairement. Je m’approche de la source des murmures. Là, j’entends enfin le message qui m’est destiné : « Va-t’en ! Ils arrivent… Quand ils t’auront trouvé, tu n’y survivras pas. Va-t’en, Gabriel ! »

Mes amies, les ombres, m’ont mis en garde. Maintenant, c’est à moi de choisir. Devrais-je les laisser s’approcher ? Ont-ils renoncé à leur funeste dessein ? Serait-ce une amnistie qu’on m’accorde ? Ma raison et mon instinct me susurrent que je ne suis qu’un pauvre fou, naïf et pitoyable. Bien sûr qu’ils n’ont pas renoncé ! Comment le pourraient-ils ?

Brusquement, je sens mes forces me quitter. Je suis obligé de m’arrêter. Repérant un mur de briques dans une ruelle, je m’y adosse. Ma respiration est saccadée. Un vertige me saisit. « Combien de temps ? m’écrie-je. Dites-le-moi ! »

Cette fois-ci, les ombres restent silencieuses. J’ai l’impression de retourner à mon point de départ. Je suis condamné à un sempiternel recommencement. Cette lutte ne cessera pas… pas tant que je continuerai à fuir.

Ma résolution est prise. Je les attendrai. Qu’ils viennent ! Nous verrons bien qui remportera cette bataille.

Que la magie du meilleur Sorcier l’emporte !