Extraits

— J’aime ce genre de discours étroit d’esprit d’un obscurantisme pseudo conservateur, mais qui ne rechigne pas à utiliser la pitoyable excuse de la nature pour justifier sa médiocre opposition radicale. La plupart du temps, il existe une raison très complaisante pour expliquer ce genre de réactions d’une violence terriblement épidermique : son but est de seulement dresser l’illusion d’une paix intérieure en transformant la crainte la plus ancrée et la plus secrète en quelque chose de révoltant, de laid, qui ne fait pas partie de l’individu. Une chose qui ne le concerne pas, une chose qu’il qualifie d’« anormale ». Voici la forme la plus abominable du déni. Nous savons tous qu’il faut posséder une bonne dose de courage pour parvenir à regarder son appréhension droit dans les yeux et admettre frontalement ce qui nous effraie. Par contre, la rejeter en lui donnant l’apparence d’un monstre pour se donner le rôle du gentil dans un paysage fleurant la normalité selon ses propres critères – et pas forcément éclairés, les critères – sachez-le, Pisistrate, c’est l’arme des faibles. Je ne pensais pas qu’un dirigeant de votre trempe n’était qu’un trouillard mort de peur à la simple idée d’être éventuellement attiré par une personne du même sexe que le sien. Vous me décevez énormément. Avec une rapidité fulgurante, Leïos s’inclina jusqu’à ce que son visage frôle celui de son ravisseur, puis, le regard profondément plongé dans le sien, jusqu’à parvenir lui extirper son âme par la force de ses prunelles sombres, il s’exprima d’une voix si basse qu’elle hérissa chaque poil des avant-bras de Pisistrate :

— Écoutez attentivement ce que je vais vous dire, Roi sans trône : je vous interdis d’évoquer, en quelques termes que ce soit, d’une façon ou d’une autre, le lien qui m’unie à mon époux, Bias Skulion, prince de Mnéséas. Passez outre cet avertissement et je peux vous assurer que vous le regretterez amèrement, petit Chef d’Athènes. Très amèrement

— En parlant de perspective, celle de votre compagnon va changer à partir de ce soir.

Leïos qui, jusqu’à présent, s’était amusé à feindre une parfaite décontraction, jouant même comme un enfant avec l’eau autour de lui, s’immobilisa immédiatement en entendant cette petite réflexion assassine.

— Mon compagnon ? répéta-t-il d’un ton neutre.

— Oui. Ce militaire prétentieux au beau visage.

— Soyez plus explicite. Des militaires prétentieux au beau visage… ils sont plutôt nombreux à correspondre à une telle description en Nesos Atlas, susurra Leïos tout en sachant pourtant à qui faisait allusion Pisistrate.

— Vous ne l’avez pas retenu.

C’était plus une constatation qu’une réelle question de sa part. Leïos ne répondit pas tout de suite :

— C’était inutile. J’ai lu dans son cœur et son esprit.

— Vous connaissez le nom du félon ? Leïos acquiesça.

Soudain, il brisa le silence pesant commençant à envahir l’endroit en s’exclamant d’un ton excessivement joyeux :

— Cela manque affreusement de canards jaunes dans cette baignoire !

— Qu’est-ce qui vous énerve ?

— Mes cheveux. Les rafales de vent me les ont raidi et ils me gênent ! En plus, ça me chatouille horriblement le nez… c’est insupportable. Approchez votre visage du mien, ordonna-t-il ensuite.

— Pardon ?

— Je vais gratter mon nez sur votre joue. Vous avez l’air d’avoir une barbe râpeuse, c’est idéal.

— Quelle joie d’aider son roi, répliqua Nikos d’un ton aigre tout en s’exécutant, néanmoins.

Avec une rapidité fulgurante, Leïos s’inclina jusqu’à ce que son visage frôle celui de son ravisseur, puis, le regard profondément plongé dans le sien, jusqu’à parvenir lui extirper son âme par la force de ses prunelles sombres, il s’exprima d’une voix si basse qu’elle hérissa chaque poil des avant-bras de Pisistrate :

— Écoutez attentivement ce que je vais vous dire, Roi sans trône : je vous interdis d’évoquer, en quelques termes que ce soit, d’une façon ou d’une autre, le lien qui m’unie à mon époux, Bias Skulion, prince de Mnéséas. Passez outre cet avertissement et je peux vous assurer que vous le regretterez amèrement, petit Chef d’Athènes. Très amèrement.

— Ôtez-lui son bâillon, ordonna Sérynos d’un ton sec.

Libéré de ce morceau de chiffon au goût âcre, Leïos remua exagérément sa mâchoire, comme pour en assouplir les muscles douloureux. Ses poignets demeuraient étroitement liés dans son dos par une corde à la texture rugueuse.

— Je me présente, Roi d’Atlas : je suis le Kybernétès du « Bras d’Athéna », une trière de combat d’Athènes. Nous avons pour mission de vous amener à l’Archonte Pisistrate, notre glorieux et valeureux dirigeant.

— Une simple invitation aurait suffi, rétorqua Leïos avec ironie. De plus, sachez que je ne me montre pas très difficile quant à la qualité du carton.