Extraits

Dix minutes plus tard, Joël dénicha le poste de police. On l’emmena dans une pièce, où une femme policière bienveillante lui donna des Kleenex en lui proposant une tasse de thé sucré pour le remettre du choc. Il refusa et entreprit de raconter sa terrible expérience. Tous les détails furent notés avec une lenteur criminelle. Nom, adresse, numéro de téléphone, montant de l’argent volé, numéro de série du saxophone, etc. On lui demanda si l’instrument était assuré et il répondit – son désespoir décupla aussitôt – qu’il n’avait pas renouvelé son contrat suite à des soucis financiers. Il se lança aussi dans une description détaillée de la voiture et de la voleuse sans scrupule qui, en se faisant passer pour une religieuse, lui avait fauché son gagne-pain.

Joël était si déprimé que la femme le conduisit au terminal du ferry en voiture de police. Il acheta un aller simple avec l’argent qui lui restait et retourna sur le petit pont arrière où il se trouvait à peine deux heures auparavant avec son saxophone. Il agrippa la rambarde et contempla la ville vallonnée de Holyhead, baignée par la lumière du couchant, presque aussi dorée que son précieux Selmer.

Le navire glissa hors du port. Chaque seconde qui s'écoulait enfonçait un clou dans son âme déprimée.

Joël essaya de prendre la mesure de ce qui venait de lui arriver. En vain. Il ne pensait qu’à une chose : au démon malfaisant déguisé en bonne sœur qui fonçait sur l’autoroute M1 en direction de Londres avec toute sa fortune, en riant à gorge déployée.