Extraits

Elles se dirigèrent vers la première salle d’exposition, où un buffet avait été dressé. La foule se pressait autour des petits fours, sans paraître accorder beaucoup d’intérêt aux bijoux, mais plusieurs têtes se retournèrent au passage de Lili.

— Vous êtes la reine de la soirée, remarqua Jana.

— Je préférerais danser autour d’un feu de camp.

Elle fit une moue délicieusement mutine.

— J’imagine qu’il y aura beaucoup d’hommes. Je serai libre de danser et de flirter à ma guise.

Simon réagit enfin. Ce n’était pas trop tôt.

— Je pourrais vous accompagner.

— Vraiment ?

— Vous ne pouvez pas y aller sans cavalier. Disons que je serai votre... hum... rendez-vous.

Quelques voitures étaient garées à proximité de piquets surmontés de boîtiers rouillés. Simon expliqua qu’autrefois le son était diffusé par ces haut-parleurs individuels, ce qui obligeait à garder la vitre ouverte. Aujourd’hui, il suffisait de régler son autoradio sur une fréquence spéciale pour profiter du film bien au chaud dans sa voiture.

Elle prit une énorme cuillerée de céréales croustillantes et sucrées à souhait. Savoureux ! Gordon les obligeait à prendre du porridge gluant au petit déjeuner, et des scones insipides pour le thé. En comparaison, la nourriture américaine était un délice pour les papilles.

— Mais si, protesta poliment Simon.

Pas question ! Si elle lui parlait de sa vie au palais, il n’y avait aucune chance qu’il cesse de la voir comme une princesse.

— Juste pour information, vous avez donné la clé à Jana ?

— Quelle question !

— Je remarque que vous ne répondez pas.

— Et puis, après ? J’ai eu pitié d’elle. Je voulais lui donner une chance de... de...

— De s’échapper ? suggéra Simon. Et, vous savez qu’elle s’est rendue au poste à peine une heure après son évasion ?

— Non. Elle ne m’en a pas parlé.

Ça n’allait pas du tout ! Sa bouche était beaucoup trop molle, trop humide. Elle tenta de se dégager, mais il la retint avec force, lui gobant les lèvres comme une pompe aspirante.

Écœurée, elle posa les mains contre son torse et le repoussa de toutes ses forces. Leurs bouches se séparèrent avec un plop humide, et Lili porta le dos de la main à ses lèvres. Ce n’était peut-être pas poli, mais tant pis.

Simon ne voyait pas comment expliquer autrement le fait que Lili ait ôté ses chaussures et soit montée sur la tablette du lavabo pour essayer de passer par la fenêtre. Était-elle tombée en sortant ou en revenant ? Cela n’avait guère d’importance. Puisqu’elle avait toujours la clé, c’est qu’elle n’avait pas pu la remettre à Jana Vargas.

La limousine attendait, moteur en marche.

Cornelia ne savait plus où donner de la tête. Elle envoya quelqu’un chercher de l’eau, et se mit en devoir de bassiner les tempes de la vieille dame à l’aide de son mouchoir en dentelle. Simon reconnut enfin l’infortunée victime. Elsa Hess était placée en première position sur la liste de donateurs du musée. Se la mettre à dos serait un désastre.

Hagarde, Corny chercha le regard de Simon et bredouilla de façon inintelligible.

Arrivé devant l’entrée d’une autre salle, Simon échangea quelques mots avec l’un des deux agents de sécurité qui gardaient l’accès, et entraîna Lili vers une petite pièce, sans fenêtre. Un vrai sanctuaire. Placé au centre, éclairé par quatre projecteurs, un dôme de verre, cerné de cordes de velours bleu nuit, attirait tous les regards. L’atmosphère confinée de la pièce, la mise en scène théâtrale, créaient une ambiance magique, impressionnante. Bien qu’entraînée à dissimuler ses sentiments, Lili s’y laissa prendre, comme le commun des mortels.

Brusquement, l’allée déboucha sur une esplanade goudronnée, encombrée d’invités qui s’écartèrent pour laisser passer la voiture. Sur le côté se dressait une bâtisse en brique qui devait être le musée, mais Lili n’eut pas le temps de lui accorder un regard. Déjà, elle remettait de l’ordre dans sa tenue, se préparant à entrer en scène.